Depuis plusieurs semaines, la menace d’une procédure de destitution à l’encontre d’Emmanuel Macron est agitée par les députés de La France Insoumise. Ces derniers ont franchi un cap mardi en faisant valider par le bureau de l’Assemblée nationale leur proposition visant à enclencher le processus. Pour autant, les chances que celui-ci aille à son terme apparaissent bien minces. Décryptage des raisons qui font de cette destitution une hypothèse très improbable.
Un parcours semé d’embûches
Si l’article 68 de la Constitution permet en théorie de destituer le président de la République “en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat”, la procédure pour y parvenir est particulièrement complexe et ardue. Plusieurs étapes incontournables se dressent ainsi sur le chemin des Insoumis :
- Convaincre l’Assemblée nationale et le Sénat de se constituer en Haute Cour, via une résolution adoptée à la majorité des 2/3 dans chaque chambre
- Faire voter la destitution par cette Haute Cour, là aussi à la majorité qualifiée des 2/3 de ses membres
Des majorités qualifiées hors d’atteinte
Au vu de la composition actuelle du Parlement, réunir de telles majorités apparaît mission impossible. Même en faisant l’hypothèse que l’ensemble des députés de gauche voteraient la résolution de convocation de la Haute Cour, ils ne seraient que 151 sur 577. Très loin des 384 voix exigées.
Le Sénat, à majorité de droite, n’a par ailleurs aucune raison de suivre une initiative venant des bancs de LFI. Quant à la destitution proprement dite, elle nécessiterait le vote de 617 parlementaires sur 925, un horizon hors d’atteinte.
Même dans le cas où la Haute Cour se constitue, la destitution du président doit être votée par la majorité des 2/3 de ses membres. Très improbable au vu des rapports de force.
Article 68 de la Constitution
Un précédent en 2016
Ce n’est pas la première fois que l’article 68 est brandi dans le débat politique. En 2016 déjà, des députés Les Républicains avaient tenté de lancer une procédure de destitution contre François Hollande, après des révélations compromettantes parues dans un livre. Leur texte avait été retoqué dès l’examen par le bureau de l’Assemblée.
Une manœuvre politique
Plus qu’une réelle volonté d’aller jusqu’au bout, c’est donc avant tout à un coup politique que se livrent les Insoumis. En agitant le chiffon rouge de la destitution, ils cherchent à maintenir la pression sur Emmanuel Macron et à apparaître comme la principale force d’opposition.
Une posture dans la droite ligne de la radicalité revendiquée par LFI, qui avait déjà usé de procédures similaires sous le précédent quinquennat, comme la motion de censure. L’objectif : occuper l’espace médiatique et politique, quitte à lancer des offensives vouées à l’échec. Une stratégie payante électoralement, au vu des scores réalisés par le mouvement de Jean-Luc Mélenchon aux législatives, mais qui montre peut-être aujourd’hui ses limites sur le plan institutionnel.