Samedi 19 octobre, les rues du centre historique de Rouen ont vibré au rythme d’un événement inédit : la première édition de la Marche des Normands. Environ 200 participants, d’horizons divers mais unis par un attachement fort à leur identité régionale, ont défilé fièrement dans la ville, drapeaux rouge et jaune au vent. Un rassemblement haut en couleurs et en émotions, mais qui n’a pas manqué de susciter une certaine controverse. Retour sur cette journée pas comme les autres.
Une marche pour célébrer les racines normandes
L’idée de cette marche est née d’une volonté de mettre en avant le patrimoine historique et culturel normand. Les organisateurs, un collectif de passionnés d’histoire locale, souhaitaient offrir une tribune à ceux qui revendiquent haut et fort leur appartenance à cette région riche d’un passé glorieux. Le slogan “Normands : fiers et conquérants !” résume bien l’état d’esprit.
D’après une source proche de l’organisation, l’objectif était de “rassembler tous ceux qui aiment la Normandie, sa culture, son histoire, au-delà des clivages politiques”. Un message d’unité régionale qui semble avoir trouvé son public, puisque plus de 200 personnes ont répondu présent, un chiffre significatif pour une première édition.
Des profils variés, une même fierté
Parmi les marcheurs, on trouvait un panel représentatif de la société normande : des familles, des jeunes, des retraités, des militants associatifs, des élus locaux… Certains arboraient des tenues traditionnelles, d’autres brandissaient des étendards ornés du léopard héraldique. Mais tous partageaient cette envie d’affirmer leur identité et leur attachement à leur terre natale.
Je suis venu pour montrer que je suis fier d’être normand, fier de notre histoire, de nos paysages, de nos traditions. C’est important de le dire haut et fort !
Un participant à la Marche des Normands
Le cortège s’est ébranlé en début d’après-midi depuis la place du Vieux-Marché, haut lieu de l’histoire rouennaise. En tête, une banderole proclamant “Fiers d’être normands” donnait le ton. Le parcours a ensuite sillonné les ruelles pavées du cœur de ville, s’arrêtant devant les monuments emblématiques comme la cathédrale ou le Gros-Horloge.
Rollon, figure tutélaire contestée
Point d’orgue de la marche : le rassemblement final au pied de la statue équestre de Rollon, située sur la place de la Cathédrale. Ce chef viking, fondateur du duché de Normandie au Xème siècle, incarne pour beaucoup ce destin conquérant et cette farouche volonté d’indépendance qui feraient la singularité normande.
Mais ce choix a aussi cristallisé les critiques. Rollon reste en effet une figure controversée, associée à des razzias sanglantes avant sa conversion opportuniste au christianisme. Certains dénoncent une récupération identitaire de ce personnage historique ambigu. Des élus de gauche y ont vu une dérive “communautariste” et une “réécriture de l’Histoire”.
La statue de Rollon vandalisée : un acte symbolique
C’est sans doute ce qui a motivé l’action coup de poing menée en marge du rassemblement par un groupe se revendiquant de “l’antifascisme”. Dans la nuit suivant la marche, des militants ont vandalisé la statue de Rollon, la recouvrant de peinture et de slogans hostiles au défilé perçu comme “identitaire”.
Cet acte de vandalisme a suscité une vague d’indignation, bien au-delà des seuls participants à la marche. Les organisateurs ont “condamné fermement ces dégradations inacceptables” et annoncé un dépôt de plainte. La mairie a également réagi, promettant une remise en état rapide du monument et rappelant que “rien ne peut justifier de tels agissements”.
Entre malaise et volonté d’apaisement
Ces tensions mettent en lumière le malaise suscité par l’affirmation décomplexée d’une identité régionale forte dans un contexte de crispations communautaires. Pour autant, les organisateurs se défendent de toute récupération politique et insistent sur la dimension festive et ouverte de ce rassemblement.
Notre seul combat, c’est celui de la culture, du patrimoine, de la transmission. On ne veut diviser personne, on veut au contraire célébrer ce qui nous unit par-delà nos différences.
Un membre de l’organisation de la Marche des Normands
Un discours d’apaisement qui peine cependant à convaincre les plus sceptiques. Beaucoup craignent que, sous couvert de célébrer les racines, ce type d’événement ne contribue à alimenter un repli identitaire. Un débat complexe qui renvoie aux questionnements actuels sur la place des identités régionales en France.
Malgré la polémique, les organisateurs se disent “plus motivés que jamais” et comptent bien pérenniser ce rendez-vous. Ils annoncent déjà une prochaine édition en 2025, avec l’espoir de vraiment faire de cette marche “une grande fête populaire et bon enfant”. Le défi s’annonce ardu, mais c’est peut-être à ce prix que pourra se construire un nouveau dialogue apaisé sur ces questions d’identité si sensibles.