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La loi martiale en Corée du Sud ravive de douloureux souvenirs pour les anciens militants

Le récit bouleversant de Shin Jae-hyung, ex-militant démocratique en Corée du Sud, hanté par les souvenirs de la loi martiale. La répression brutale de Gwangju en 1980 a fait des centaines de morts. Aujourd'hui, la menace ressurgit...

Quand le président sud-coréen Yoon Suk Yeol a réactivé par surprise la loi martiale tard mardi, Shin Jae-hyung a eu l’impression de revivre un cauchemar. Cet ex-militant de 66 ans a vécu la loi martiale de 1980 en Corée du Sud et en garde de terribles souvenirs. Son sang n’a fait qu’un tour. Il a sauté dans sa voiture, direction le Parlement, mis sous scellés par l’armée et la police pour empêcher les députés de s’y réunir et de contrer ce coup de force. Une seule idée en tête : « Nous devons arrêter ça ».

Un passé douloureux qui refait surface

M. Shin est convaincu que le président « doit être puni pour rébellion », lui qui a connu la dictature militaire des années 1970 et 1980 et les souffrances qu’elle a causées. La première fois qu’il a manifesté et s’est fait asperger de gaz lacrymogène, c’était en 1973, sous la junte de Park Chung-hee. Il avait alors 17 ans. Son pays est devenu une démocratie en 1987, avec le rétablissement d’une élection présidentielle directe. Et la perspective de revivre un jour la loi martiale a fini par lui sortir de la tête. Jusqu’à ce mardi soir.

La répression sanglante de Gwangju

Les événements survenus depuis mardi ravivent des souvenirs bien plus douloureux que sa première rencontre avec les gaz lacrymogènes. Ce qu’il s’est passé le 18 mai 1980, sous la loi martiale déclarée par Chun Doo-hwan pour réprimer les manifestations consécutives à sa prise de pouvoir, a laissé à M. Shin de profondes blessures. Il effectuait alors son service militaire obligatoire.

J’ai perdu des amis qui ont été tués et d’autres qui sont morts plus tard en prison.

Shin Jae-hyung, ex-militant démocratique

Les mouvements de protestation de ce jour-là, dont il a été témoin dans sa ville natale de Gwangju, se sont terminés dans le sang, avec des centaines de morts et de blessés. La répression de Gwangju est devenue un symbole de la lutte pour la démocratie en Corée du Sud et le sujet du roman « Celui qui revient » de Han Kang, lauréate du Nobel de littérature 2024.

Le poids de la culpabilité du survivant

« Cette question, ‘pourquoi ai-je été épargné ?’, seulement parce que j’étais dans l’armée… elle me pèse lourdement depuis toutes ces années », confie M. Shin, la voix tremblante et les yeux embués. En 1983, il a été arrêté pour son militantisme prodémocratie et détenu pendant dix jours dans un centre d’interrogatoire où il a subi des tortures, comme le supplice de la baignoire, une simulation de noyade. Les bourreaux exigeaient qu’il avoue être un communiste.

Un combat sans fin pour la démocratie

Aujourd’hui, 41 ans après sa libération et 37 depuis la transition démocratique de son pays, M. Shin reste déterminé à lutter contre l’autoritarisme. Sur la route jusqu’à l’Assemblée mardi soir, il s’est préparé au pire, pensant qu’il pourrait y laisser sa vie. Mais « même s’il y avait eu des meurtres et que j’en avais fait partie, cela aurait été une bonne mort », assure-t-il.

Espèce de malade, qui crois-tu être pour détruire ce pays ? Je vais au Parlement, quoi qu’il en coûte.

Les mots rageurs de Shin Jae-hyung envers le président Yoon Suk Yeol

La Corée du Sud « est le pays dans lequel nous avons construit nos vies, un pays que ne peut pas détruire n’importe quel connard », lance M. Shin. Il veut croire que ce scénario autoritaire « n’arrivera jamais » et se dit prêt à participer à une nouvelle manifestation de masse dimanche appelant à la destitution de Yoon Suk Yeol. Le combat de toute une vie pour la liberté et la démocratie est loin d’être terminé.

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