Dans les cafés emblématiques de Damas, jadis étouffés par la chape de plomb de la dictature, les conversations politiques reprennent vie. Après des années passées à chuchoter de peur d’être entendus par les espions du régime, les Syriens peuvent enfin exprimer leurs opinions au grand jour. Un vent de liberté souffle sur la capitale, ravivant l’espoir d’une nouvelle ère.
Le « printemps de Damas », une parenthèse vite refermée
Lorsque Bachar el-Assad succède à son père en 2000, une brève période d’ouverture voit le jour. Des salons politiques fleurissent, des réformes sont réclamées. Mais ce « printemps de Damas » ne dure pas. Le pouvoir revient vite à ses vieilles habitudes répressives, muselant toute velléité de débat. Pendant des années, la peur règne et les murs ont des oreilles.
Une omniprésence étouffante
Les services de renseignement étaient partout, se souvient Mohannad al-Katee, chercheur en histoire politique. Dans les cafés, il fallait peser chaque mot. Les espions se fondaient dans le décor, écoutant les conversations. Certains gérants subissaient cette présence permanente, contraints d’offrir des consommations gratuites à ces indésirables clients.
On nous faisait miroiter la possibilité d’une amnistie, mais Dieu merci, l’amnistie est venue de Dieu.
Nesrine Choubane, ancien détenu politique
La peur au ventre
Cette chape de plomb a brisé des vies. Nesrine Choubane a passé plus de 3 ans en prison pour avoir « porté des dollars ». Libérée le jour de la chute du régime, elle savoure sa liberté retrouvée. Avant, même les téléphones portables étaient suspects. Désormais, elle compte bien faire entendre sa voix si le nouveau pouvoir dévie du droit chemin.
Une nouvelle donne politique
L’arrivée au pouvoir de l’opposition, emmenée par Ahmad al-Chareh, change la donne. Malgré les craintes liées à l’orientation islamiste de certains groupes, l’heure est à l’optimisme. Les services de renseignement sont démantelés, des manifestations ont lieu au grand jour. Un espace de débat s’ouvre à nouveau.
Une soif de liberté
Dans les cafés, on savoure cette liberté retrouvée. Au Havana, au Rawda, les discussions vont bon train. Militants, intellectuels, opposants de retour d’exil se retrouvent. Des partis politiques voient même le jour. Comme le souligne Mohannad al-Katee, les Syriens ne peuvent plus revenir en arrière. La dictature a vécu, le pluralisme est en marche.
C’est la première fois que je m’assois dans un café et que je peux parler de politique, c’était un rêve pour les Syriens.
Mohannad al-Katee, chercheur en histoire politique et sociale
Rester vigilants
Malgré cette euphorie, la prudence reste de mise. L’ombre de l’ancien régime plane encore et beaucoup redoutent un retour en arrière. Les nouveaux dirigeants devront faire leurs preuves et gagner la confiance de la population. Mais pour l’heure, dans les cafés de Damas, on savoure le simple bonheur de pouvoir parler librement. Un luxe si longtemps confisqué.