Au Venezuela, la liberté de la presse traverse une période sombre. Dans le sillage de l’élection présidentielle controversée du 28 juillet, qui a vu la réélection contestée de Nicolas Maduro, une dizaine de journalistes croupissent en détention. Face à cette situation alarmante, le Collège national des journalistes (CNP) vénézuéliens monte au créneau pour dénoncer la “totale absence de défense” de ces professionnels de l’information privés de leurs droits fondamentaux.
Un syndicat en première ligne pour défendre les journalistes détenus
Tinedo Guia, le directeur du CNP, n’a pas mâché ses mots lors d’une conférence de presse. Le syndicat exige “la présentation des détenus” devant la justice, de connaître “leur état de santé”, et une “procédure (judiciaire) régulière”. Un appel urgent face à ce qu’il qualifie d'”absence totale de défense, non seulement pour les journalistes mais pour tous les citoyens du Venezuela”.
Selon Tinedo Guia, “des personnes disparaissent sans que l’on sache qui les détient. Les forces de police agissent sans mandat”. Une situation kafkaïenne qui bafoue les droits humains les plus élémentaires et laisse les familles des détenus dans une angoissante incertitude.
Une présidentielle entachée d’irrégularités et d’arrestations arbitraires
La présidentielle du 28 juillet, qui a vu la réélection de Nicolas Maduro, est au cœur de cette crise. Le scrutin, dont les résultats sont contestés par l’opposition qui crie à la fraude, a été le théâtre de l’arrestation d’une dizaine de journalistes. Trois d’entre eux étaient même impliqués dans des activités politiques, tandis que trois autres avaient été interpellés pendant la campagne électorale. Un septième journaliste avait quant à lui été arrêté en 2022 pour trafic de drogue.
Le cas emblématique de Nelin Escalante, “disparu” après une convocation
Le cas le plus récent et le plus choquant est celui de Nelin Escalante, journaliste économique, arrêté vendredi dernier après avoir été convoqué par les forces de sécurité dans un centre commercial. Depuis, c’est le silence radio. L’Association des journalistes dénonce sa “disparition forcée”, les autorités refusant de fournir la moindre information sur son lieu de détention, malgré les demandes répétées de ses avocats et de sa famille.
Il n’a pas eu droit à un appel téléphonique, 48 heures se sont écoulées et il n’a pas été présenté devant un tribunal, ses avocats de confiance n’ont pas eu accès à lui.
Moises Gutierrez, avocat de Nelin Escalante
Pour Moises Gutierrez, l’avocat de Nelin Escalante, rien ne justifiait une telle détention : “Au moment de son arrestation, il n’y avait pas de décision de justice (contre lui) et il n’était pas détenu en situation de flagrant délit”. Une convocation dans un centre commercial au lieu d’un tribunal, une incarcération au mépris des procédures légales… Autant d’éléments troublants qui font craindre le pire quant au sort réservé à ce journaliste.
Au Venezuela, une presse muselée et des journalistes en danger
Le cas de Nelin Escalante est malheureusement loin d’être isolé au Venezuela. Depuis plusieurs années, le régime de Nicolas Maduro multiplie les atteintes à la liberté de la presse. Arrestations arbitraires, disparitions forcées, pressions et menaces… Les journalistes vénézuéliens exercent leur métier au péril de leur liberté, voire de leur vie.
Face à cette dérive autoritaire, les organisations de défense des droits humains et de la liberté de la presse ne cessent de tirer la sonnette d’alarme. Reporters sans frontières place le Venezuela à la peu enviable 159e place de son classement mondial de la liberté de la presse. Un triste constat qui en dit long sur l’état de déliquescence de la démocratie dans ce pays d’Amérique latine.
La communauté internationale doit se mobiliser pour les journalistes vénézuéliens
Face à cette situation intenable, il est urgent que la communauté internationale se mobilise pour faire pression sur le régime de Nicolas Maduro. L’Union européenne, les États-Unis et les pays d’Amérique latine doivent utiliser tous les leviers diplomatiques et économiques à leur disposition pour obtenir la libération immédiate et sans condition de tous les journalistes détenus arbitrairement.
Car au-delà du sort de ces hommes et de ces femmes, c’est le droit des Vénézuéliens à une information libre et plurielle qui est en jeu. Sans une presse indépendante et des journalistes en capacité d’exercer leur métier sans craindre pour leur sécurité, il ne peut y avoir de réel contrôle démocratique du pouvoir.
Espérons que l’appel du Collège national des journalistes vénézuéliens sera entendu et que les autorités vénézuéliennes prendront enfin leurs responsabilités. La libération des journalistes détenus serait un premier pas vers un Venezuela plus respectueux des libertés fondamentales et de l’état de droit. Un espoir ténu, mais auquel il faut s’accrocher pour tous ceux qui croient encore en la force du journalisme comme rempart contre l’arbitraire et l’oppression.