Une cour d’appel russe a confirmé mercredi la peine de prison à perpétuité prononcée contre un homme accusé d’avoir gravement blessé l’écrivain ultranationaliste pro-Kremlin Zakhar Prilépine lors d’un attentat à la bombe en mai 2023. Le suspect, détenteur des nationalités russe et ukrainienne, affirme avoir agi sous les ordres des services secrets ukrainiens, une allégation réfutée par Kiev. Ce jugement intervient dans un contexte de tensions exacerbées entre la Russie et l’Ukraine, en guerre depuis février 2022.
La perpétuité maintenue pour l’auteur présumé de l’attentat
Selon une source judiciaire citée par l’agence de presse officielle russe Ria Novosti, le tribunal militaire a rejeté l’appel d’Alexandre Permiakov, condamné en première instance en septembre pour cet « acte terroriste » contre Zakhar Prilépine. L’écrivain de 49 ans, fervent partisan de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, avait été grièvement blessé le 6 mai 2023 dans l’explosion de sa voiture qui avait coûté la vie à son chauffeur.
D’après l’enquête, Permiakov avait dissimulé deux engins explosifs près du domicile de Prilépine dans la région de Nijni Novgorod, dans le centre-ouest de la Russie. Lors de son procès, l’accusé a déclaré avoir agi sur la promesse des services de sécurité ukrainiens (SBU) de recevoir 20 000 dollars pour éliminer l’écrivain, considéré comme une cible prioritaire en raison de son soutien actif à la guerre menée par le Kremlin.
Des blessures graves et une amputation
Hospitalisé dans un état critique après l’attentat, Zakhar Prilépine avait subi de multiples fractures et un important traumatisme crânien. Le chef des services secrets ukrainiens Vassyl Maliouk avait même affirmé à la télévision que l’écrivain avait été amputé de ses organes génitaux dans l’explosion, une allégation démentie par l’intéressé mais révélatrice de l’extrême tension entre les deux camps.
Moscou a immédiatement désigné l’Ukraine comme responsable de cette attaque, comme celle qui avait coûté la vie en août 2022 à Daria Douguina, la fille de l’idéologue ultranationaliste Alexandre Douguine, autre soutien inconditionnel de Vladimir Poutine. Si Kiev n’a pas officiellement revendiqué ces attentats, les autorités ukrainiennes ne cachent pas leur satisfaction de voir des partisans de la guerre pris pour cible.
Un écrivain engagé au service du Kremlin
Figure influente de la scène littéraire russe, Zakhar Prilépine s’est fait connaître pour ses romans inspirés de son expérience de la guerre en Tchétchénie dans les années 1990. Militant d’extrême-droite, il s’est ensuite engagé aux côtés des séparatistes pro-russes dans l’est de l’Ukraine dès 2014, lorsque Moscou a annexé la Crimée et attisé un conflit dans la région du Donbass.
Signe de son alignement total avec le pouvoir, Prilépine a signé en janvier 2023 un contrat pour combattre en Ukraine au sein de la garde nationale russe, les troupes d’élite du Kremlin. Son parti politique, Za Pravdu (Pour la vérité) fait partie des mouvements ultranationalistes qui réclament une répression encore plus brutale contre l’Ukraine et ses soutiens.
Une guerre par procuration entre services secrets
Au-delà de son aspect spectaculaire et du profil très médiatique de la victime, cette affaire illustre la guerre de l’ombre que se livrent les services de renseignement russes et ukrainiens en marge du conflit militaire sur le terrain. Moscou et Kiev s’accusent mutuellement de mener des opérations de sabotage et des éliminations ciblées sur le territoire de l’adversaire.
Le FSB (services secrets russes) mène une lutte sans merci contre les agents ukrainiens infiltrés en Russie, tandis que nos forces spéciales traquent les traîtres et les criminels de guerre de l’autre côté de la frontière.
Une source au sein des services de sécurité ukrainiens
Si la condamnation définitive d’Alexandre Permiakov constitue une victoire symbolique pour le Kremlin, elle risque surtout d’aggraver le cycle de représailles et d’actes de terrorisme entre les deux pays. Dans cette guerre hybride où tous les coups semblent permis, l’escalade des violences paraît inévitable, sur fond de tensions géopolitiques croissantes et d’une haine réciproque savamment entretenue par les autorités et les médias des deux bords.
Un conflit parti pour durer
Plus d’un an après le début de l’invasion russe, aucune perspective de paix ne se dessine à l’horizon. Malgré les lourdes pertes et les revers militaires subis, Vladimir Poutine reste déterminé à poursuivre ce qu’il présente comme une opération de « dénazification » de l’Ukraine. De son côté, le président ukrainien Volodymyr Zelensky exclut toute négociation sans un retrait total des troupes russes, y compris de Crimée.
Tant que la Russie ne renoncera pas à ses ambitions impériales et à sa volonté d’écraser l’Ukraine, il ne peut y avoir de paix durable. Notre peuple est prêt à se battre jusqu’au bout pour sa liberté et son indépendance.
Volodymyr Zelensky, président de l’Ukraine
Dans ce bras de fer géopolitique, l’attentat contre Zakhar Prilépine et la condamnation de son auteur ne sont qu’un épisode parmi d’autres. Mais ils rappellent que cette guerre ne se joue pas seulement sur les champs de bataille, mais aussi dans l’ombre des services secrets et la propagande des médias. Un conflit total où la frontière entre combattants et civils, vérité et mensonge, tend à s’estomper dangereusement.