C’est une affaire qui soulève de nombreuses questions sur les relations diplomatiques entre la France et la Russie. Mercredi, la cour d’appel de Paris a émis un avis défavorable à l’extradition d’un ressortissant russe réclamé par Moscou pour tentative de meurtre. Une décision motivée par les doutes de la justice française sur la capacité de la Russie à garantir un procès équitable au suspect.
La Russie exclue du Conseil de l’Europe
Pour justifier sa position, la cour d’appel s’est appuyée sur plusieurs éléments de contexte. Elle a notamment souligné l’exclusion de la Russie du Conseil de l’Europe suite à l’invasion de l’Ukraine en 2022. Or, malgré cette exclusion, Moscou reste tenu d’exécuter les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Mais en juin 2022, le parlement russe a adopté une loi stipulant que les décisions de la CEDH postérieures au 15 mars ne seraient plus appliquées en Russie.
Cette circonstance de droit et de fait interroge sur l’engagement de la Fédération de Russie à respecter les principes découlant, notamment, du droit à un procès équitable.
– La cour d’appel de Paris
Des inquiétudes sur le respect des droits humains en Russie
La cour a également cité le dernier rapport d’Amnesty International, qui évoque des “arrestations arbitraires”, des “procès reposant sur des éléments de preuve fabriqués” et des “poursuites politiques” en Russie. Des pratiques qui remettent en cause la possibilité pour le suspect d’avoir un procès juste et équitable s’il était renvoyé dans son pays.
De plus, les magistrats ont souligné qu’en cas de violation des droits fondamentaux en Russie, “aucun mécanisme de droit international n’est susceptible d’y remédier”. Autant d’éléments qui ont conduit la cour d’appel à conclure que Moscou “n’apporte pas les garanties nécessaires” pour assurer un procès équitable au suspect en cas d’extradition.
Un suspect arrêté en France et poursuivi en Russie
L’homme au cœur de cette affaire, âgé de 43 ans, est poursuivi en Russie pour une tentative de meurtre commise en mars 2023 et pour avoir octroyé des pots-de-vin dans un établissement pénitentiaire. Il avait été interpellé en janvier 2024 à l’aéroport d’Orly alors qu’il arrivait d’Espagne. La demande d’extradition de la Russie avait été formulée le mois suivant.
Cela fait plus de vingt ans que je suis dans les affaires et je n’avais jamais eu aucun problème avec la justice. C’est l’arbitraire qui règne dans mon pays.
– Le suspect lors de l’audience du 29 mai
Lors de l’audience devant la chambre de l’instruction le 29 mai, le mis en cause avait clamé son innocence. Son avocat, Me Robin Binsard, avait dénoncé une procédure où “on ne voit jamais de preuve, aucun témoin”, y voyant “une tentative de discréditer [son] client et de faire main basse sur ses sociétés”.
Le suspect remis en liberté
Outre son rejet de la demande d’extradition, la cour d’appel a également ordonné la remise en liberté de l’homme d’affaires russe, jusqu’alors placé sous contrôle judiciaire. Une décision rare, qui illustre les profondes réserves de la justice française quant aux garanties offertes par le système judiciaire russe.
Ce refus d’extradition intervient dans un contexte de fortes tensions entre Paris et Moscou, notamment en raison de la guerre en Ukraine et des violations présumées des droits humains en Russie. Il risque de compliquer un peu plus les relations diplomatiques entre les deux pays, déjà mises à mal ces dernières années.