La justice texane se retrouve une nouvelle fois sous le feu des projecteurs. La Cour suprême de l’État vient en effet d’ouvrir la voie à l’exécution de Robert Roberson, un Américain de 57 ans condamné à mort en 2002 pour le meurtre de sa fille Nikki. Une affaire qui fait polémique depuis de nombreuses années, car le diagnostic sur lequel repose la condamnation – le syndrome du bébé secoué – est aujourd’hui fortement remis en question par de nombreux experts médicaux.
Un sursis temporaire qui ravive les tensions
Robert Roberson avait initialement obtenu un sursis à son exécution, prévue le 17 octobre dernier, suite à l’intervention d’une commission parlementaire. Les élus texans avaient en effet demandé un report afin de pouvoir l’auditionner, dans une ultime tentative d’éviter son injection létale. La Cour suprême avait alors accédé à cette requête, interdisant temporairement la mise à mort.
Mais ce répit fut de courte durée. Vendredi, la haute cour a finalement estimé que “les prérogatives de la commission de convoquer en vue d’une audition ne comprennent pas le pouvoir d’outrepasser la procédure judiciaire amenant à une exécution”, selon les mots du juge Evan Young. Une décision qui pose “une question inédite de séparation des pouvoirs” mais qui ouvre désormais la voie à une nouvelle date d’exécution pour Roberson, même si un délai de 91 jours est prévu.
Des doutes scientifiques persistants
Toute l’affaire repose sur le diagnostic posé en 2002, lorsque Robert Roberson avait amené sa fille Nikki aux urgences dans un état critique. Les médecins avaient alors conclu à un syndrome du bébé secoué, entraînant sa condamnation à mort. Mais depuis, ce diagnostic a été fortement remis en cause :
- De nouvelles analyses médicales imputent plutôt la mort de Nikki à une grave pneumonie non détectée à l’époque, aggravée par des médicaments inadaptés, comme l’attestent 34 médecins.
- L’autisme de Robert Roberson, officiellement diagnostiqué en 2018, avait été interprété à tort comme une indifférence lors de son procès.
« Nous cherchions un coupable, nous lui avons collé cette étiquette et nous l’avons fait tenir sur une pseudo base scientifique »
Brian Wharton, ancien policier chargé du dossier, qui milite pour l’annulation de la condamnation
Une loi texane pionnière mais peu appliquée
Cette affaire met en lumière les limites d’une loi adoptée par le Texas en 2013, qui se voulait pionnière. Son objectif était de permettre la révision des condamnations fondées sur des preuves scientifiques se révélant erronées a posteriori. Mais force est de constater que cette loi est encore trop peu appliquée par les tribunaux, au grand dam des parlementaires texans.
D’après une source proche du dossier, pas moins de 86 élus de la Chambre des représentants, dont plus d’un tiers de Républicains, ont exprimé leur “grave préoccupation que le Texas puisse mettre à mort [Roberson] pour un crime qui n’a pas eu lieu, comme le suggèrent de nouvelles preuves”. Ils soutiennent ainsi une demande de clémence de dernière minute.
L’ombre de la peine capitale
Au-delà du cas individuel de Robert Roberson, cette affaire vient raviver le débat sur la peine de mort aux États-Unis, et particulièrement au Texas. L’État est en effet tristement réputé pour être l’un des plus actifs en matière d’exécutions : 573 depuis le rétablissement de la peine capitale en 1976, loin devant les autres.
Selon le Death Penalty Information Center, au moins 190 personnes condamnées à mort ont été par la suite disculpées depuis 1973 aux États-Unis, après que de nouvelles preuves aient démontré leur innocence. Un chiffre qui fait froid dans le dos et qui pousse de plus en plus d’Américains à remettre en cause ce châtiment ultime et irréversible.
Le cas de Robert Roberson est emblématique des failles potentielles du système judiciaire, où les avancées scientifiques peinent parfois à rattraper des condamnations prononcées des années plus tôt. Sa vie est désormais suspendue à une improbable grâce de dernière minute, dans un État qui n’a accordé que très peu de clémences au cours des dernières décennies. L’affaire est plus que jamais dans les mains du gouverneur républicain Greg Abbott, connu pour son soutien indéfectible à la peine capitale. Les prochaines semaines s’annoncent donc décisives et lourdes d’enjeux.