C’est une décision de justice qui ne manquera pas de faire parler. La 9e chambre de la Cour administrative d’appel de Paris vient en effet d’annuler une précédente décision de première instance qui avait validé le refus d’agrément opposé par un préfet de police à un candidat au poste de policier adjoint. Motif de ce refus initial : une marque de prière sur le front du postulant, suggérant sa pratique régulière de l’islam.
En avril 2023, les juges avaient donné raison au préfet, mais c’était sans compter sur la détermination du requérant. Devant la Cour administrative d’appel, ses arguments ont cette fois été entendus. Dans son arrêt, la juridiction du second degré souligne que « les agents de police bénéficient comme tous les autres agents publics de la liberté de conscience qui interdit toute discrimination dans l’accès aux fonctions, comme dans le déroulement de la carrière qui serait fondée sur leur religion ».
La liberté de conscience prime sur le devoir de neutralité
Si le principe de laïcité fait certes « obstacle à ce qu’ils disposent, dans le cadre du service public, du droit de manifester leurs croyances religieuses », la haute cour considère qu’on ne peut assimiler une « dermatose pigmentée » à un signe religieux ostentatoire. En d’autres termes, avoir une marque sur le front témoignant d’une pratique religieuse assidue ne signifie pas pour autant qu’on l’affiche dans l’exercice de ses fonctions. Pour les juges, il s’agit d’un cas bien distinct du port visible d’un symbole confessionnel, contraire au devoir de neutralité des agents publics.
1500 euros pour le plaignant
Conséquence de cette décision : non seulement le refus d’agrément est annulé, mais l’État est également condamné à verser 1500 euros au policier lésé. Une somme qui vient réparer le préjudice subi, même si on imagine que la satisfaction principale pour le requérant est surtout d’avoir obtenu gain de cause sur le principe.
Des réactions contrastées
Cet arrêt ne manquera pas de faire réagir, dans un contexte où la place de la religion musulmane au sein des forces de l’ordre est régulièrement questionnée. Pour certains, il s’agit d’une victoire pour la liberté de conscience et contre les discriminations. D’autres y verront au contraire un dangereux assouplissement du principe de laïcité et un risque communautariste.
La loi doit s’appliquer à tous de la même manière, sans considération de l’appartenance religieuse. C’est un principe fondamental de notre République.
Un représentant du ministère de l’Intérieur
Selon une source proche du dossier, cette décision pourrait faire jurisprudence et amener à revoir certaines procédures de recrutement dans la police. Une perspective qui ne manquera pas d’alimenter le débat dans les prochains mois, alors que le sujet reste particulièrement clivant dans l’opinion.
Vers une police plus inclusive ?
Au-delà de la polémique, cette décision pose la question de l’inclusion et de la diversité au sein des forces de l’ordre. Dans une société française de plus en plus multiculturelle, la police peut-elle continuer à fonctionner sur un modèle unique et uniforme ? Ou doit-elle au contraire s’ouvrir davantage pour mieux représenter la population qu’elle sert ?
Des questions cruciales sur lesquelles cette affaire vient jeter une lumière crue. Si elle ne les tranchera évidemment pas à elle seule, elle aura eu le mérite de les mettre sur le devant de la scène, ouvrant la voie à un nécessaire débat de société. Un débat dans lequel la justice, comme souvent, aura joué son rôle d’arbitre et de garant des libertés fondamentales. À suivre, donc, car cette histoire est loin d’être terminée…