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La Gauche Unie Face au RN : Un Barrage Républicain à l’Assemblée ?

La gauche se mobilise pour barrer la route au RN à l'Assemblée nationale. PS, LFI et Écologistes veulent les empêcher d'accéder aux postes clés, suscitant l'indignation des députés lepénistes qui crient à l'antidémocratisme. Les communistes, eux, se montrent plus prudents face à cette initiative clivante. Jusqu'où ira ce "front républicain" ? Le débat est lancé...

Alors que les élections législatives viennent à peine de s’achever, la bataille pour le contrôle de l’Assemblée nationale fait déjà rage. Au cœur des tensions : la volonté affichée par plusieurs partis de gauche d’empêcher coûte que coûte le Rassemblement national (RN) d’accéder aux postes stratégiques du Palais Bourbon. PS, LFI et Écologistes sont à la manœuvre pour ériger ce qu’ils qualifient de « barrage républicain », quitte à s’attirer les foudres des élus lepénistes qui crient à l’antidémocratisme. Face à cette initiative pour le moins clivante, les communistes se montrent plus réservés. Le ton est donné pour ce nouveau quinquennat qui s’annonce d’ores et déjà électrique.

Un front anti-RN qui ne dit pas son nom

C’est un appel sans ambiguïté qu’a lancé lundi la députée écologiste Cyrielle Chatelain : « L’extrême droite n’est pas compatible avec la République. Le RN ne doit occuper aucun poste dans cette Assemblée nationale ». Un mot d’ordre rapidement repris par ses alliés socialistes et « insoumis », bien décidés à rétablir un « cordon sanitaire » contre le parti de Marine Le Pen. Concrètement, il s’agit de les priver des précieux leviers de pouvoir que constituent la présidence de l’Assemblée, les vice-présidences, les questures ou encore les présidences de commission.

Une position loin d’être inédite pour la gauche, qui avait déjà tenté, sans succès, de s’opposer à l’attribution de deux vice-présidences au RN en 2022. À l’époque, les macronistes étaient pointés du doigt, accusés de contribuer à la banalisation de l’extrême droite sur l’autel d’obscurs arrangements politiques. Deux ans plus tard, c’est donc une union sacrée qui semble se dessiner pour barrer la route aux lepénistes, au nom de la défense des valeurs républicaines.

LFI et PS à la manœuvre

En première ligne de ce combat : La France insoumise et le Parti socialiste. Pour Mathilde Panot, présidente du groupe LFI, il est crucial de maintenir le RN à l’écart de toute responsabilité : « À chaque fois qu’on leur donne des postes, on les fait monter en compétence. Il est important qu’ils n’aient pas les postes à responsabilité ». Une position partagée par Boris Vallaud, patron des députés PS : « C’était déjà notre position il y a deux ans. Vous vous doutez bien que nous n’avons pas changé d’avis et que d’une certaine manière, le front républicain nous oblige jusque dans les rangs de l’Assemblée nationale ».

La prudence des communistes

Pourtant, cette union sacrée anti-RN ne fait pas l’unanimité à gauche. Principal point de divergence : la position des communistes, nettement plus mesurée. Pour André Chassaigne, ancien chef de file du PCF à l’Assemblée, il faut éviter tout sectarisme : « Dans la réflexion qu’on doit avoir, il faut bien qu’on mesure les conséquences que ça va avoir dans le peuple. Même si je ne partage pas (leurs idées) il y a des gens qui ont voté pour le RN ». Un appel à la prudence qui tranche avec la ligne dure défendue par ses partenaires.

Le RN crie à l’ostracisation

Sans surprise, c’est un tout autre son de cloche qui résonne du côté du Rassemblement national. Ses députés dénoncent avec virulence ce qu’ils qualifient de « comportement antidémocratique », arguant que leur groupe, fort de ses 88 sièges, ne saurait être ainsi ostracisé sans bafouer le choix des urnes. Une rhétorique victimaire classique dans les rangs de l’extrême droite, prompte à agiter le chiffon rouge de la “bien-pensance” pour mieux se poser en martyr d’un « système » qui les rejetterait.

Les enjeux démocratiques en question

Au-delà de la simple bataille de postes, c’est bien la question de la représentativité démocratique qui se pose. Comment concilier le respect du vote des Français, y compris lorsqu’il s’exprime en faveur de l’extrême droite, avec la nécessité de préserver les institutions républicaines d’une force jugée délétère ? Un dilemme cornélien auquel sont confrontés les partis de gauche, écartelés entre leurs valeurs humanistes et leur devoir de vigilance face à la menace lepéniste.

« L’extrême droite n’est pas un parti comme les autres. Lui confier des responsabilités, c’est prendre le risque de la voir saper nos institutions de l’intérieur »

– Un député socialiste

À l’inverse, certains mettent en garde contre le danger d’une mise à l’index systématique du RN, qui pourrait paradoxalement renforcer son aura antisystème et attiser le ressentiment de ses électeurs. Un équilibre périlleux à trouver, qui cristallise toutes les tensions de notre démocratie face à la poussée des populismes.

Une rentrée parlementaire explosive

Quoi qu’il en soit, cette polémique ne fait que préfigurer l’ambiance explosive qui règnera dans l’hémicycle pour cette XVIe législature. Entre une extrême droite renforcée et décomplexée, une gauche revigorée mais divisée et une majorité relative fragilisée, tous les ingrédients semblent réunis pour des débats particulièrement âpres et clivants. Les prochaines semaines, jalonnées par l’élection du président de l’Assemblée le 18 juillet, puis l’attribution des postes clés le lendemain, s’annoncent déterminantes. Elles donneront la mesure de ce nouveau rapport de force et de la capacité des différents blocs à peser sur la vie parlementaire.

Une chose est sûre : dans ce bras de fer qui s’engage, la question du cordon sanitaire face au RN sera centrale et fractrice. Elle opposera les partisans d’un front républicain intransigeant aux tenants d’une approche plus inclusive, au risque de nourrir les procès en antidémocratisme. Un débat crucial pour notre vie politique, dont l’issue est loin d’être tranchée. L’Assemblée nationale promet d’être, plus que jamais, le théâtre de toutes les passes d’armes. Place au spectacle !

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