Dans le sillage du drame qui a frappé le marché de Noël de Magdebourg en Allemagne, provoquant la mort de cinq personnes et en blessant plus de 200 autres, une vive controverse a éclaté en France. Au cœur des tensions : les réactions à chaud de l’extrême droite, prompte à qualifier l’attaque d’attentat « islamiste », sans attendre d’éléments tangibles sur le profil de l’auteur.
Deux poids lourds de la gauche hexagonale sont montés au créneau pour dénoncer ce qu’ils perçoivent comme une instrumentalisation hâtive de la tragédie à des fins politiques. Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, a ainsi invité à « tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de livrer ses préjugés dont le seul objet est de cultiver le racisme antimusulman », en réponse au message polémique de Jordan Bardella, président du Rassemblement national (RN).
Ce dernier n’avait en effet pas attendu pour qualifier l’attaque d' »attentat islamiste », estimant dans la foulée que « la cible de l’attaque ne doit rien au hasard : l’islam radical mène une guerre à nos traditions chrétiennes, à nos identités, à notre civilisation ». Des propos qui ont mis le feu aux poudres, alors même que le profil du suspect, un Allemand d’origine saoudienne, ne laissait rien présager d’une motivation religieuse.
L’extrême droite dans le viseur de la gauche
Dans le camp de la gauche radicale, c’est Manuel Bompard, coordinateur de La France insoumise, qui est monté au créneau. Fustigeant des « dirigeants d’extrême droite qui se sont jetés comme des vautours sur l’attaque de Magdebourg pour déverser leur haine antimusulmans », il a rappelé que l’auteur présumé était en réalité « un partisan de leurs idées, soutien du parti AfD ». Et de conclure, lapidaire : « N’oubliez jamais que l’extrême droite tue ».
Marine Le Pen, figure de proue du RN, n’est pas en reste. Dans un message posté sur les réseaux sociaux au lendemain du drame, la députée déplorait « la barbarie islamiste qui sème la terreur au cœur de l’Europe », martelant que « cet acte de guerre contre un symbole de notre civilisation soulève les cœurs ». Une rhétorique aux accents guerriers qui tranche avec les premiers éléments de l’enquête.
Le profil du suspect en question
De fait, selon les informations distillées par la ministre allemande de l’Intérieur Nancy Faeser, l’homme qui a foncé dans la foule au volant d’un SUV n’avait pas le profil d’un islamiste. Bien au contraire, ses prises de position connues le rangeraient plutôt du côté des « islamophobes ». Un retournement inattendu qui fragilise la posture de l’extrême droite française.
Il n’en fallait pas plus pour rallumer les braises d’un débat hautement inflammable à l’approche de futures échéances électorales. L’attaque de Magdebourg rappelle douloureusement celle perpétrée sur un marché de Noël de Berlin en 2016, lorsqu’un terroriste islamiste avait fauché 13 vies au volant d’un camion bélier.
Un débat symptomatique des clivages français
Au-delà de son aspect conjoncturel, cette passe d’armes entre gauche et extrême droite française apparaît emblématique des fractures qui traversent la société. D’un côté, les tenants d’une ligne dure sur les questions identitaires et sécuritaires, prompts à désigner l’islam radical comme l’ennemi numéro un de la civilisation occidentale. De l’autre, les partisans d’une approche plus mesurée, soucieux d’éviter tout amalgame et de ne pas attiser les tensions communautaires.
Entre ces deux pôles, peu de place pour la nuance et le dialogue. Chaque fait divers dramatique devient l’occasion d’un nouvel épisode de ce clash idéologique, où l’émotion et les postures l’emportent souvent sur l’analyse froide des faits. Une polarisation inquiétante à l’heure où les défis qui se posent à la France et à l’Europe appellent davantage au rassemblement qu’à la division.
Reste à savoir si, une fois la poussière de la polémique retombée, les responsables politiques sauront tirer les leçons de cet énième dérapage. En s’abstenant de commentaires intempestifs lorsque l’horreur frappe, en prenant le temps de l’enquête et de la réflexion avant de s’engouffrer dans la brèche. Un vœu pieux, peut-être, au regard des fractures béantes du paysage politique français. Mais un impératif catégorique si l’on veut éviter que chaque drame ne se transforme en champ de bataille idéologique.