À peine nommé, le gouvernement de Michel Barnier fait déjà face à une tempête politique. Les députés de la gauche ont en effet déposé ce vendredi une motion de censure, qualifiant la nomination du premier ministre de contraire aux résultats des dernières élections législatives. Mais sans le soutien du Rassemblement National, cette initiative apparaît d’ores et déjà vouée à l’échec. Décryptage d’une première passe d’armes qui en annonce bien d’autres.
Une motion de défiance attendue
Sitôt connu le nom du nouveau locataire de Matignon, la gauche avait promis de ne pas lui faire de cadeau. Le dépôt d’une motion de censure, ce vendredi, par le groupe Nouveau Front Populaire (NFP) à l’assemblée n’est donc pas une surprise. « C’est important de marquer le coup » a expliqué Boris Vallaud, président du groupe socialiste et premier signataire du texte. « Le premier ministre n’a pas demandé de vote de confiance, il s’agit donc d’une forme de défiance à son encontre ».
En déposant cette motion, les députés écologistes, communistes, socialistes et insoumis entendent dénoncer un gouvernement Barnier nommé selon eux « à rebours des résultats des élections législatives ». Des élections qui avaient vu en juin dernier l’alliance de gauche s’imposer d’une courte tête devant les macronistes et le RN. « Est-ce qu’Emmanuel Macron, alors que sa politique a été censurée par les urnes, peut nommer un premier ministre dont la mission est d’être dans la continuité ? » interroge Cyrielle Chatelain, présidente du groupe écologiste.
Le RN, arbitre en embuscade
Mais aussi symbolique soit-elle, cette motion n’a quasiment aucune chance d’aboutir, faute de soutien du côté du Rassemblement National. Marine Le Pen a en effet annoncé jeudi que ses troupes ne voteraient pas ce texte. « La situation de la France est tellement chaotique que censurer ce gouvernement a priori n’aurait pas de sens » a tranché la dirigeante du RN qui entend se poser en « force de construction ».
Certains à gauche voient dans cette position le signe « d’une alliance tacite » entre Emmanuel Macron et l’extrême-droite. Un soutien sans participation qui permettrait au gouvernement d’avoir les mains libres, du moins temporairement. Car tous les regards se tournent déjà vers l’examen du projet de loi de finances qui s’annonce épineux pour l’exécutif.
Barnier face au couperet budgétaire
Michel Barnier l’a annoncé : il n’hésitera pas à dégainer l’arme du 49-3 pour faire adopter son budget sans vote si nécessaire. Un passage en force qui pourrait cette fois lui valoir une adoption d’une motion de censure. Les oppositions comme les ex-macronistes auront alors une marge de manœuvre bien plus importante pour imposer leurs vues.
Dans ce bras de fer qui s’annonce, chaque camp fourbit ses armes. Le dépôt de cette première motion, même si elle est symbolique, permet à la gauche de poser un premier jalon. Quant au RN, il entend manifestement monnayer chèrement son soutien ou son opposition, dans une stratégie du chaos qui a déjà fait ses preuves par le passé. Michel Barnier, lui, espère sans doute gagner du temps. Reste à savoir ce qu’il compte en faire et s’il parviendra à imposer sa marque dans un tel contexte.
Une chose est sûre : cette première escarmouche n’est qu’un round d’observation avant le véritable test que constituera le vote du budget à l’automne. D’ici là, alliances politiques, compromis et tensions parlementaires risquent de rythmer une rentrée qui s’annonce particulièrement agitée sur le front politique. Avec en embuscade un Rassemblement National qui compte bien tirer son épingle du jeu et imposer ses thèmes comme jamais auparavant.