Ce jeudi marque un tournant historique dans les relations franco-ivoiriennes. Lors d’une cérémonie en présence des ministres de la Défense des deux pays, la France va officiellement rétrocéder sa base militaire de Port-Bouët, près d’Abidjan, à la Côte d’Ivoire. Une transition pacifique et concertée qui témoigne de la maturité du partenariat entre les deux nations.
Un symbole fort de coopération
D’après une source proche du dossier, cette rétrocession se déroule « dans des conditions exemplaires, en toute cohérence et en toute maturité de notre relation ». Un constat partagé par les autorités ivoiriennes qui assurent que « la coopération militaire continue avec la France » malgré ce changement.
La cérémonie sera marquée par plusieurs moments forts :
- Rebaptême du camp au nom de Thomas d’Aquin Ouattara, premier chef d’état-major ivoirien
- Dévoilement d’une plaque à son effigie
- Abaissement des drapeaux français et ivoirien, seul ce dernier sera rehissé
Une exception régionale
Alors que plusieurs pays africains ont récemment expulsé les forces françaises de leur territoire, souvent sous la pression populaire, la Côte d’Ivoire fait figure d’exception. Cette rétrocession est en effet le fruit d’un processus initié il y a deux ans entre Paris et Abidjan, répondant à la volonté française de réorganiser son dispositif militaire en Afrique.
Selon les experts, les autorités ivoiriennes ont su anticiper et gérer en douceur ce dossier sensible :
Les autorités ivoiriennes savent très bien que les idées souverainistes existent dans le pays. Il faut donc anticiper le départ de la base militaire française avant que cela ne devienne une revendication populaire.
Geoffroy Kouao, analyste politique ivoirien
Une présence ancienne et stratégique
Installé depuis 1978, le 43e Bataillon d’infanterie de marine (43e BIMa) occupe une position clé sur la base de Port-Bouët, près de l’aéroport d’Abidjan. Au plus fort de la crise ivoirienne dans les années 2000, la France a compté jusqu’à 5 000 militaires dans le pays pour protéger ses ressortissants et tenter de stabiliser la situation.
En avril 2011, l’armée française était même intervenue aux côtés de l’ONU pour déloger l’ex-président Laurent Gbagbo qui contestait sa défaite électorale face à l’actuel chef de l’État Alassane Ouattara. Un épisode qui a laissé des traces et nourri un certain ressentiment anti-français.
Vers un nouveau partenariat
Si le retrait des soldats français va s’opérer progressivement jusqu’en 2025, une centaine d’entre eux resteront sur place pour des missions de formation et de conseil. Car pas question de rompre les liens tissés depuis l’indépendance en 1960.
La Côte d’Ivoire et la France entretiennent de très bons rapports depuis l’indépendance. Paris restera un partenaire privilégié dans la formation, le renseignement et surtout dans la lutte contre le terrorisme
Geoffroy Kouao, analyste politique ivoirien
Une façon pour la France de maintenir son influence et ses intérêts dans une région clé tout en s’adaptant au nouveau contexte géopolitique. Et pour la Côte d’Ivoire de prendre en main sa souveraineté militaire tout en conservant un allié de poids. Un partenariat gagnant-gagnant qui servira de modèle dans une Afrique de l’Ouest en pleine mutation.