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La France restitue un tambour historique à la Côte d’Ivoire : un geste symbolique

Un tambour ivoirien confisqué en 1919 vient d'être restitué par la France. Entre geste symbolique et débat sur la repentance coloniale, cet acte de réconciliation suscite des réactions contrastées...

C’est un acte symbolique fort que vient de poser la ministre française de la Culture, Rachida Dati. Dans le cadre d’une démarche de réconciliation et de repentance, elle a orchestré la restitution d’un tambour ivoirien historique qui avait été confisqué par l’armée française en 1919. Cet instrument de musique, un imposant tambour parleur de 430 kilos appelé « Djidji Ayôkwé », fait partie des collections du Musée du quai Branly-Jacques-Chirac à Paris depuis des années.

Après une demande officielle de restitution formulée par le gouvernement ivoirien en septembre 2019, les négociations ont finalement abouti. Lors d’une cérémonie en présence de son homologue ivoirienne Françoise Remarck, Rachida Dati s’est félicitée de cette avancée : « À chaque fois qu’on aura une restitution, on remettra un euro dans la boîte de la réconciliation », a-t-elle déclaré avec enthousiasme.

Un dépôt temporaire en attendant une loi définitive

Pour l’heure, le tambour sera envoyé à Abidjan dans le cadre d’un dépôt temporaire, le temps qu’une loi dite « d’espèce » soit votée afin d’entériner définitivement la restitution. « Elle devrait être votée dans le premier trimestre 2025 », a précisé Laurent Lafon, président de la commission de la Culture du Sénat français. Ce n’est pas la première fois que le ministère de la Culture s’empresse de procéder à une restitution avant même l’adoption d’un cadre législatif pérenne.

Un patrimoine africain longtemps spolié

L’histoire de ce tambour ivoirien est symptomatique du sort réservé à de nombreux biens culturels africains durant la période coloniale. Considérés comme des butins de guerre ou des curiosités exotiques, quantité d’objets d’art et du patrimoine ont été pillés et expatriés vers les musées occidentaux. Aujourd’hui, les pays africains réclament de plus en plus la restitution de ce patrimoine spolié, y voyant une étape nécessaire dans le processus de réconciliation et de reconnaissance des torts causés par le colonialisme.

C’est une question de dignité et de respect pour les peuples africains. Ces objets ont une valeur culturelle et spirituelle inestimable.

Un expert du patrimoine africain

Le débat sur la repentance coloniale

Si la restitution de ce tambour est saluée par beaucoup comme un geste fort, elle s’inscrit néanmoins dans un débat plus large et parfois controversé sur la question de la repentance coloniale. Pour certains, ces actes symboliques ne suffisent pas à réparer les dommages causés par des décennies de domination et d’exploitation. Ils plaident pour une réelle prise de conscience des conséquences du colonialisme et pour des actions concrètes en faveur du développement des pays africains.

D’autres voix, plus critiques, dénoncent une forme de « repentance à géométrie variable », qui se focaliserait sur des aspects culturels et patrimoniaux sans aborder les enjeux économiques et politiques sous-jacents. Elles craignent également que ces restitutions ne soient qu’une façon pour la France de se donner bonne conscience sans remettre en question fondamentalement les relations de domination héritées de la période coloniale.

Vers une nouvelle diplomatie culturelle ?

Au-delà des polémiques, la restitution de ce tambour ivoirien pourrait marquer une évolution dans la diplomatie culturelle de la France vis-à-vis de ses anciennes colonies. En acceptant de se dessaisir de certaines pièces majeures de ses collections, l’État français envoie un signal fort de reconnaissance et de respect envers les nations africaines et leur héritage.

Cette démarche pourrait ouvrir la voie à une nouvelle forme de coopération culturelle, basée sur un dialogue d’égal à égal et un partage plus équitable des richesses artistiques et patrimoniales. Reste à savoir si cette dynamique se poursuivra et s’étendra à d’autres dossiers de restitution en suspens, comme les fameux bronzes du Bénin ou les manuscrits de Tombouctou.

La restitution de ce tambour ivoirien par la France est donc un événement chargé de symboles et de questions. Au-delà de l’objet lui-même, c’est tout un pan de l’histoire coloniale et des relations franco-africaines qui est interrogé. Un geste significatif, certes, mais qui ne saurait faire l’économie d’un débat de fond sur le passé colonial et ses conséquences présentes.

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