Année après année, la France conserve sa place peu enviable de champion d’Europe de la pression fiscale. Selon une récente étude de l’Institut Économique Molinari, les Français ne travailleront pour eux-mêmes qu’à partir du 17 juillet cette année, libérés du poids écrasant des prélèvements obligatoires. Quelles en sont les causes profondes et comment les Français vivent-ils avec ce fardeau fiscal record ?
Un triste jour de libération fiscale
Le 17 juillet. C’est la date symbolique à laquelle le salarié français moyen aura enfin fini de payer l’ensemble des impôts, taxes et cotisations qui financent les dépenses publiques. Près de 200 jours de labeur consacrés aux prélèvements obligatoires avant de pouvoir profiter du fruit de son travail. Un bien lourd tribut comparé à nos voisins européens.
La France, lanterne rouge en Europe
Avec 47,2% du PIB captés par les impôts et cotisations sociales, la France caracole en tête du classement européen, loin devant la moyenne de l’UE à 41,7%. Concrètement, pour 100€ de pouvoir d’achat, un salarié français doit générer 118€ en incluant les différents prélèvements. Un ratio unique en Europe.
Cette date marque symboliquement le jour où le salarié est libre de faire ce qu’il veut de son argent.
Nicolas Marques, directeur général de l’Institut Économique Molinari
Un boulet pour le pouvoir d’achat
Cette pression fiscale record n’est pas sans conséquence sur le niveau de vie des Français. En ponctionnant une part conséquente des revenus, elle limite mécaniquement le pouvoir d’achat et pèse sur la consommation des ménages, moteur essentiel de la croissance.
Malgré quelques mesures ponctuelles ces dernières années, comme la suppression de la taxe d’habitation ou la baisse de l’impôt sur le revenu pour certains contribuables, le niveau global des prélèvements obligatoires demeure extrêmement élevé en France. Un mal français chronique qui semble difficile à soigner.
Le financement d’un modèle social généreux
Cette fiscalité élevée n’est cependant pas sans contrepartie. Elle finance un système social parmi les plus protecteurs et les plus redistributifs au monde. Retraites, assurance maladie, allocations familiales, assurance chômage… L’État providence à la française a un coût, et ce sont les prélèvements obligatoires qui permettent son financement.
Mais ce modèle est-il soutenable à long terme ? Face au vieillissement de la population et à l’augmentation continue des dépenses sociales, la question du juste équilibre entre niveau de protection sociale et poids de la fiscalité se pose avec une acuité croissante. Un défi majeur pour les années à venir.
Un frein à la compétitivité des entreprises
Au-delà des ménages, les entreprises françaises subissent également de plein fouet ce haut niveau de prélèvements. En renchérissant le coût du travail et en réduisant leurs marges, cette pression fiscale pénalise leur compétitivité face à leurs concurrentes étrangères et peut freiner l’investissement et la création d’emplois.
Certes, des efforts ont été engagés ces dernières années pour réduire les impôts de production, jugés particulièrement pénalisants, comme la baisse progressive de l’impôt sur les sociétés ou la transformation du CICE en allègements pérennes de cotisations. Mais beaucoup reste à faire pour hisser la France aux standards de ses principaux partenaires.
Un débat politique récurrent
Sans surprise, la question de la pression fiscale s’invite régulièrement dans le débat politique français. Baisser les prélèvements obligatoires est une antienne des partis de droite et du centre, quand la gauche défend plutôt le maintien d’un haut niveau de redistribution malgré le poids de la fiscalité. Un clivage profond et ancien.
Mais au-delà des postures, réformer un système fiscal aussi complexe et aussi lourd est un défi titanesque. Chaque niche, chaque avantage fiscal ayant ses défenseurs acharnés, souvent prompts à descendre dans la rue. Le mouvement des gilets jaunes contre la hausse de la taxe carbone en a été une illustration spectaculaire.
Simplifier et rendre plus lisible
Plus que le niveau global, c’est surtout le manque de lisibilité et la complexité du système fiscal français qui sont régulièrement dénoncés. Avec ses innombrables taxes, impôts et contributions, il est devenu au fil du temps un maquis illisible pour le contribuable.
Une grande ambition pour le prochain quinquennat serait de remettre à plat et de simplifier en profondeur cet écheveau fiscal, pour le rendre plus transparent et plus acceptable. Un vrai projet de refondation, dans la lignée des grands chantiers du passé comme la CSG ou la TVA. Une gageure politique, mais une nécessité économique.
En somme, si la France veut conserver son modèle social unique sans obérer son dynamisme économique, elle doit impérativement repenser son système fiscal. L’enjeu : le rendre plus simple, plus lisible, plus compétitif, sans renier ses valeurs de solidarité. Un sacré défi pour les années à venir, qui engagera des choix collectifs majeurs. Les Français sont-ils prêts à le relever ?