Les résultats des élections législatives de 2024 ont révélé au grand jour les profondes fractures qui traversent la société française. Au-delà des enjeux politiques immédiats, ce scrutin a mis en lumière une France divisée en trois blocs apparemment irréconciliables. Cette tripartition recouvre des clivages à la fois sociologiques, géographiques et idéologiques qui menacent la cohésion nationale. Face à cette situation inédite sous la Vème République, les forces politiques semblent bien en peine d’apporter des réponses pour surmonter ces divisions.
Une France coupée en trois
Avec un tiers des voix pour la NUPES, un tiers pour le RN et ses alliés, et un tiers pour la majorité présidentielle, les législatives ont confirmé l’éclatement du paysage politique français en trois blocs.
Cette tripartition reflète les fractures sociologiques du pays :
- La France des métropoles, diplômée et aisée, vote majoritairement pour la majorité présidentielle.
- Celle des classes populaires et des territoires périphériques se tourne vers le RN.
- La gauche rassemble une part importante des jeunes, des fonctionnaires et des catégories intermédiaires.
À ces clivages sociaux s’ajoutent de profondes fractures territoriales. Le vote RN progresse dans les zones rurales et périurbaines délaissées, tandis que la gauche performe dans les grandes villes. La majorité présidentielle résiste dans l’ouest et le centre, mais s’effondre dans le nord et le sud-est.
Ces élections confirment la partition du pays en trois blocs politiques qui recouvrent les trois blocs sociologiques de la France.
Jérôme Fourquet, directeur d’opinion à l’Ifop
Les racines de la colère
La montée en puissance du RN, qui réalise une percée historique, trouve ses racines dans un profond malaise social et territorial. Depuis la crise des gilets jaunes fin 2018, une part croissante des classes populaires et des habitants des périphéries se sentent abandonnés, méprisés par les élites.
Le mouvement des gilets jaunes avait révélé l’étendue de la colère d’une France oubliée qui peine à joindre les deux bouts. Cette France “périphérique”, éloignée des centres de décision, se sent déclassée et exclue du récit national.
Face à cette souffrance sociale, le RN apparaît comme le réceptacle du vote contestataire et du rejet des élites. Marine Le Pen surfe habilement sur les peurs et le ressentiment d’un électorat en déshérence.
Recomposer le logiciel politique
Cette France éclatée pose un défi majeur aux partis traditionnels, qui peinent à s’adresser à l’ensemble du corps social. Les anciennes familles politiques, de gauche comme de droite, apparaissent dépassées par les nouvelles lignes de fracture.
Pour répondre aux attentes de citoyens divisés, il faut réinventer le logiciel politique, en dépassant les clivages obsolètes. Cela implique de réconcilier les intérêts divergents des différentes composantes de la société française et de retisser du lien entre des territoires et des milieux sociaux qui s’ignorent.
Les partis doivent absolument renouveler leur discours et leurs propositions pour s’adresser à tous les Français. Plutôt que d’opposer les catégories les unes aux autres, il s’agit de penser un nouveau modèle de développement plus inclusif et équilibré.
Sans ce travail de reconquête et d’apaisement, le risque est grand de voir la France durablement fracturée, au détriment de la cohésion sociale et nationale. Il y a urgence à retisser du commun pour éviter l’émiettement de la société française.