C’est un véritable séisme diplomatique qui vient de secouer les relations entre la France et l’Afrique. Alors que le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot effectue une tournée sur le continent, le Tchad a annoncé à la surprise générale la dénonciation de l’accord de coopération en matière de défense qui le liait à l’ancienne puissance coloniale. Une décision lourde de conséquences qui oblige Paris à repenser en urgence sa stratégie africaine.
Un « partenaire essentiel » qui affirme sa souveraineté
Si les autorités tchadiennes se défendent de vouloir rompre totalement avec la France, elles entendent néanmoins affirmer clairement leur volonté d’indépendance. Comme l’a souligné le ministre des Affaires étrangères Abderaman Koulamallah, le Tchad considère la France comme un « partenaire essentiel », mais il est aussi « un État souverain et très jaloux de sa souveraineté ». Un message on ne peut plus clair envoyé à Paris.
Concrètement, cette dénonciation soulève de nombreuses questions quant à l’avenir de la présence militaire française au Tchad. Ce pays d’Afrique centrale constituait en effet le dernier point d’ancrage de Paris au Sahel, après les retraits forcés du Mali, du Burkina Faso et du Niger ces derniers mois. Si les contours exacts de ce retrait restent encore flous, il est certain qu’il s’agit d’un coup dur pour la France.
Vers une refonte de la stratégie française en Afrique
Face à cette nouvelle donne, Paris va devoir urgemment repenser son approche du continent. Un virage qui avait déjà été amorcé avec l’annonce d’une réduction des effectifs et d’un « partenariat renouvelé » axé sur la co-construction. Mais visiblement, cela n’a pas suffi à convaincre certains pays africains qui aspirent à une relation plus équilibrée avec l’ancien colon.
C’est tout l’enjeu de la tournée africaine de Jean-Noël Barrot. Après le Tchad et avant le Sénégal, le chef de la diplomatie française a fait escale en Éthiopie pour rencontrer les dirigeants de l’Union africaine. L’objectif : évoquer les crises du continent, mais aussi et surtout les moyens de renforcer un « multilatéralisme équitable ». Un concept cher à Emmanuel Macron, qui entend faire de l’Afrique un partenaire et non plus un simple pré carré.
L’urgence de reconstruire la confiance
Mais la tâche s’annonce ardue tant la défiance s’est installée ces dernières années. Pour de nombreux Africains, la France peine à se défaire de ses vieux réflexes paternalistes et à considérer les États du continent comme des interlocuteurs à part entière. Un sentiment attisé par les interventions militaires à répétition et les ingérences dans les affaires intérieures de certains pays.
« Il est temps pour la France de changer de logiciel et d’établir de nouvelles relations sincères et mutuellement bénéfiques avec l’Afrique. »
– Un diplomate africain
Pour espérer reconstruire la confiance, Paris va devoir faire preuve de davantage d’écoute, de transparence et de respect. Il lui faudra aussi accepter que son influence sur le continent n’est plus ce qu’elle était et composer avec de nouveaux acteurs, à commencer par la Chine ou la Russie. Un véritable changement de paradigme qui nécessitera du temps et beaucoup de volonté politique.
L’Afrique, un continent courtisé
Car dans le même temps, la concurrence fait rage pour s’attirer les faveurs des dirigeants africains. Chinois, Russes, Turcs ou encore Indiens multiplient les investissements, les partenariats économiques et les livraisons d’armes sur le continent. Une offensive de charme qui séduit de plus en plus de capitales, heureuses de pouvoir jouer sur plusieurs tableaux.
Face à ces bouleversements géopolitiques, la France n’a d’autre choix que de réinventer sa relation avec l’Afrique si elle veut préserver ses intérêts. Cela passera par davantage de souplesse, d’humilité et de prise en compte des aspirations locales. Un pari loin d’être gagné, mais indispensable pour rester dans la course.
Un test pour la diplomatie française
En définitive, la dénonciation de l’accord de défense par le Tchad constitue un véritable test pour la diplomatie française. Un test de sa capacité à s’adapter à un monde qui change et à des pays africains qui n’entendent plus se laisser dicter leur conduite. Un test aussi de sa volonté réelle de tourner la page de la « Françafrique » et d’établir des rapports plus sains et équilibrés.
Les prochains mois s’annoncent donc décisifs pour l’avenir de la présence française en Afrique. Paris devra faire preuve de finesse, de persuasion, mais aussi de fermeté pour défendre ses intérêts sans pour autant apparaître comme une puissance néo-coloniale. Un numéro d’équilibriste périlleux, mais indispensable pour espérer peser encore sur l’échiquier africain.
Une chose est sûre : le temps où la France pouvait considérer l’Afrique comme son pré carré est révolu. Place désormais à une relation d’égal à égal, basée sur le respect mutuel et la prise en compte des intérêts de chacun. Un défi immense, mais aussi une formidable opportunité de renouveau pour la diplomatie française.