Lorsque l’on jette un œil par-delà le Rhin ces derniers temps, force est de constater que la France n’est pas la seule à connaître une sérieuse zone de turbulences politiques. En effet, l’Allemagne, notre voisin et partenaire historique, traverse elle aussi une crise majeure qui n’est pas sans rappeler la nôtre. Dirigeants affaiblis, montée des extrêmes, économie sous pression… Le miroir franco-allemand reflète une image pour le moins préoccupante des deux moteurs traditionnels de l’Union européenne. Décryptage d’une situation inédite.
Le crépuscule des chanceliers
Du côté allemand, l’heure est à la désillusion. Aucun chancelier avant lui n’avait atteint des niveaux d’impopularité aussi abyssaux. Selon les derniers sondages, Olaf Scholz caracole en queue de peloton dans le cœur des Allemands. Une chute vertigineuse pour celui qui incarne l’échec cuisant de la coalition dite » feu tricolore « . Minée par d’incessantes disputes internes, celle-ci a littéralement volé en éclats le 6 novembre dernier, à peine un an après sa formation.
Scholz est probablement le candidat à la chancellerie le plus faible, le moins approprié que le SPD ait jamais présenté.
– Selon le magazine Der Spiegel
En France, la situation n’est guère plus reluisante. La popularité d’Emmanuel Macron a atteint son niveau le plus bas depuis son arrivée au pouvoir en 2017, ou depuis la crise des gilets jaunes l’année suivante, selon les différents baromètres. Seul son prédécesseur François Hollande avait fait pire avant lui. Un constat implacable.
Des systèmes en bout de course ?
De part et d’autre du Rhin, une question brûlante s’impose : nos systèmes politiques sont-ils arrivés au bout d’une certaine logique ? C’est en tout cas le constat dressé par Jacob Ross, chercheur à la société allemande pour la politique étrangère (DGAP).
En France, la Ve République, avec son architecture institutionnelle si particulière conférant des pouvoirs très étendus au Président, semble montrer ses limites. Face à une Assemblée nationale morcelée et ingouvernable, où s’affrontent trois blocs irréconciliables (RN, NFP, et les Macronistes), la pratique du pouvoir s’annonce pour le moins délicate.
La montée inexorable des extrêmes
Le dénominateur commun entre les deux pays ? L’irrésistible ascension des partis contestataires, aux deux extrémités de l’échiquier politique. Un véritable casse-tête pour construire des majorités stables outre-Rhin. En France, la mue du RN opérée par Marine Le Pen lui a permis de s’imposer comme un acteur incontournable, notamment lors du psychodrame autour de la nomination du Premier ministre.
En Allemagne en revanche, l’AfD reste persona non grata, malgré des sondages qui la propulsent en deuxième position en vue des prochaines législatives. Un « cordon sanitaire » qui ne semble pas près de se rompre.
Économie : une équation à plusieurs inconnues
- Pendant que le Parlement français ferraille pour réduire les dépenses, l’Allemagne s’interroge sur un assouplissement de sa sacro-sainte règle d’or budgétaire.
- L’Hexagone croule sous une dette abyssale (112% du PIB) et un déficit public qui dérape sérieusement (6,1% du PIB attendu en 2024).
Au pays de la rigueur, le ratio d’endettement fait figure d’exception en Europe : seulement 63% du PIB l’an dernier. Pourtant, la première économie de l’UE va enchaîner une deuxième année de récession consécutive. La faute à la chute de la demande mondiale et à la flambée des coûts de l’énergie qui plombent son industrie.
La France n’est pas en reste, avec une avalanche de plans sociaux en perspective, notamment dans l’automobile. Seule éclaircie : une croissance qui résiste mieux que prévu (+1,1% en 2023 selon le gouvernement).
Ainsi, qu’il s’agisse des soubresauts politiques, de la percée des franges contestataires ou encore des défis économiques, force est de constater que la France et l’Allemagne traversent une période délicate. Une crise jumelle qui n’est pas sans susciter une certaine inquiétude, tant le couple franco-allemand a joué un rôle moteur dans la construction européenne. Il y a fort à parier que les mois à venir seront décisifs pour déterminer si cette tempête passagère laissera place à une embellie, ou si au contraire, elle n’est que le prélude à des lendemains qui déchantent.
