Derrière les précautions de langage du gouvernement, le projet de loi ouvrant la voie à l’euthanasie et au suicide assisté en France serait en réalité le plus permissif au monde. C’est ce que révèle une analyse détaillée du texte et une comparaison avec les législations étrangères sur le sujet. Des critères extrêmement larges, des exceptions uniques en leur genre… La France s’apprête-t-elle à franchir un cap inquiétant ?
Une prudence de façade
« Un chemin possible, dans une situation déterminée » pour Emmanuel Macron, des « conditions strictes » selon Gabriel Attal, « un texte d’équilibre » d’après Catherine Vautrin… Les membres de l’exécutif rivalisent de circonspection pour présenter le projet de loi. Une approche qui a fini par imprégner le débat public. Pourtant, en y regardant de plus près, cette prudence affichée apparaît bien précaire.
Des critères d’accès très larges
Premier problème : les critères retenus pour autoriser l’euthanasie ou le suicide assisté sont beaucoup plus larges que dans les autres pays ayant légiféré sur le sujet. Là où les législations les plus permissives imposent des conditions cumulatives, le texte français se contente de critères alternatifs :
- Une affection grave et incurable
- Des souffrances physiques ou psychiques réfractaires
- Une situation médicale sans issue engendrant une dépendance définitive
Les législations les plus latitudinaires ne prévoient pas des critères aussi larges et alternatifs
Laurent Frémont, enseignant en droit constitutionnel
Des exceptions uniques au monde
Autre spécificité française : le projet de loi prévoit des exceptions qui n’existent nulle part ailleurs. Il serait ainsi possible de demander l’euthanasie de façon anticipée, via des directives, sans aucun contrôle a posteriori. Le texte ouvre aussi la voie à l’euthanasie pour les personnes ne pouvant exprimer leur volonté, là encore sans équivalent à l’étranger.
Vers de futures extensions ?
Enfin, il y a fort à parier que les critères déjà très larges seront encore étendus à l’avenir. C’est en tout cas ce qu’enseigne l’expérience des pays ayant déjà franchi le pas. Aux Pays-Bas, en Belgique ou au Canada, les conditions se sont progressivement assouplies avec le temps, parfois dans des proportions vertigineuses. Le risque de dérives est donc bien réel.
Sous couvert de précautions, le gouvernement s’apprête donc à faire adopter une loi aux dispositions uniques dans leur permissivité. Sans même parler des inévitables évolutions futures, le texte inquiète par son manque de garde-fous. L’exécutif joue-t-il la prudence pour mieux faire passer une révolution éthique majeure ? Le débat promet en tout cas d’être animé dans les prochaines semaines à l’Assemblée.