En France, l’essor spectaculaire du trafic de drogue ces dernières années suscite une vive inquiétude au plus haut niveau de l’État. Face à ce fléau qui gangrène de nombreux quartiers et défie l’autorité publique, le gouvernement persiste pourtant dans une approche essentiellement répressive, malgré des résultats pour le moins mitigés.
Un trafic en pleine expansion
Le constat est alarmant : jamais la drogue n’a autant circulé dans l’hexagone. Selon des estimations, le chiffre d’affaires du narcotrafic oscille désormais entre 3,5 et 6 milliards d’euros annuels, aiguisant les appétits de gangs rivaux qui se livrent une guerre sanglante pour le contrôle des territoires.
Symbole de cette dérive inquiétante, la ville de Marseille où les règlements de compte entre trafiquants se multiplient. Pas moins de 49 personnes y ont perdu la vie en 2023, dont des adolescents de 14-15 ans enrôlés comme tueurs à gages. Un triste record qui témoigne de l’emprise croissante des réseaux criminels.
Le tout-répressif en question
Pour endiguer le phénomène, le gouvernement mise une nouvelle fois sur le tout-répressif. Les ministres de l’Intérieur et de la Justice, issus de bords politiques opposés, se sont rendus vendredi à Marseille pour présenter un énième plan de lutte. Au menu : renforcement des moyens policiers et durcissement des peines.
Il y a une ambiance générale au tout-répressif. Si on n’adapte pas les peines, on ne va pas régler les problèmes. Tout autre discours est inaudible. La violence appelle la violence.
Un magistrat spécialisé dans la lutte anti-drogue
Pourtant, de l’aveu même de nombreux acteurs de terrain, cette approche purement sécuritaire montre ses limites. Malgré les coups de filet à répétition et les opérations “coups de poing”, les trafics se reconstituent aussitôt, à l’image d’un hydre dont les têtes repoussent sans cesse.
Des moyens déséquilibrés
Autre problème pointé du doigt : le déséquilibre flagrant entre les moyens des trafiquants et ceux alloués aux forces de l’ordre. Alors que les budgets répressifs ont bondi de 78% depuis 2018, ceux dédiés à la prévention et aux soins ont eux reculé de plus de 2% sur la même période. Un décalage qui en dit long sur les priorités.
Résultat, malgré 30 ans de “guerre à la drogue”, la consommation de stupéfiants n’a jamais été aussi massive dans le pays :
- La moitié des adultes a déjà expérimenté le cannabis
- Un adulte sur 10 a déjà goûté à la cocaïne
Un échec patent
Des chiffres qui illustrent l’échec patent des politiques publiques menées depuis des décennies. Focalisé sur la réduction de l’offre, l’État a trop longtemps négligé la question de la demande et les racines profondes du mal : misère sociale, mal-être, désœuvrement…
Certains appellent à un changement radical de paradigme, estimant que la criminalisation et la stigmatisation des consommateurs sont contre-productives. Mais dans un contexte sécuritaire tendu, ce discours peine à s’imposer face à la tentation du retour à l’ordre.
Une impasse meurtrière ?
Pris en étau entre des trafiquants de plus en plus violents et un État qui se cabre, de nombreux quartiers populaires semblent au bord de l’implosion. Le risque d’une escalade incontrôlée, sur fond de rivalités mafieuses, n’est plus à exclure.
Face à cette menace, le gouvernement se montre inflexible, martelant sa détermination à éradiquer les trafics par la force. Mais sans remise en cause profonde des politiques antidrogue, cette fuite en avant sécuritaire pourrait bien précipiter le pays dans une dangereuse impasse. L’heure des choix stratégiques a sonné.