En nommant un gouvernement expérimenté malgré l’absence d’une majorité claire à l’Assemblée nationale, le Premier ministre François Bayrou tente un pari audacieux pour éviter une censure rapide. Mais la présence de poids lourds suffira-t-elle à assurer la pérennité de cet exécutif minoritaire ? Éléments d’analyse avec Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire.
Un casting gouvernemental entre expérience et cohérence
Si le nouveau gouvernement se distingue par le retour de figures chevronnées comme Élisabeth Borne à l’Éducation ou Gérald Darmanin à la Justice, il affiche aussi une certaine cohérence, notamment sur le plan régalien. Le maintien de Bruno Retailleau à l’Intérieur, salué par la droite, s’inscrit ainsi dans la continuité.
Autre élément notable selon Arnaud Benedetti : le contrôle de Bercy par l’aile macroniste, avec la nomination d’Amélie de Montchalin aux Comptes publics. Un choix qui vise à garder la main sur les cordons de la bourse dans un contexte budgétaire tendu.
Un exécutif fragilisé par son assise parlementaire
Malgré ces signaux de solidité et d’expérience, le gouvernement Bayrou reste structurellement fragile en raison de sa minorité à l’Assemblée. L’échec des tentatives d’élargissement, notamment vers la gauche, limite sa marge de manœuvre.
La présence de « poids lourds » dans le gouvernement Bayrou ne le rend pas plus taillé pour éviter la censure que celui de Barnier.
Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire
Pour l’analyste, le Premier ministre fait le pari de compenser par la notoriété et l’expérience de ses ministres l’absence d’une majorité stable. Une stratégie risquée face à une Assemblée fragmentée où chaque texte exigera des compromis difficiles.
Les défis d’un gouvernement sous pression
Dès sa prise de fonction, l’équipe Bayrou devra faire face à de multiples urgences, de la crise du pouvoir d’achat à la réforme des retraites en passant par la transition écologique. Autant de dossiers explosifs qui testeront sa capacité à obtenir des majorités au cas par cas.
Dans ce contexte, chaque projet de loi sera un test pour la survie du gouvernement. Les prochaines semaines diront si le pari de l’expérience peut l’emporter sur la fragilité parlementaire. François Bayrou dispose d’un répit limité pour convaincre de sa légitimité.
Un avenir incertain malgré les atouts
Si la composition du gouvernement Bayrou témoigne d’une volonté de rassembler des personnalités aguerries pour affronter la tempête politique, rien ne garantit sa longévité. Tout dépendra de sa capacité à nouer des alliances mouvantes sur les textes strutrants.
Face à une opposition déterminée à en découdre, le moindre faux pas pourrait précipiter la chute de cet exécutif en sursis. François Bayrou joue son va-tout avec ce gouvernement expérimenté. Reste à savoir si cela suffira pour dépasser les fragilités structurelles d’une majorité relative.
Les prochains mois s’annoncent donc décisifs pour l’avenir politique du pays. Le gouvernement Bayrou a les atouts de l’expérience, mais il devra faire ses preuves dans l’arène parlementaire. Un défi majeur pour un exécutif qui part avec un handicap certain. L’art du compromis sera plus que jamais la clé de sa survie.