C’est sous une pluie d’applaudissements et d’ovations que s’est ouvert la nouvelle saison de la Scala de Milan, avec le retour tant attendu de La Force du destin de Verdi. Cet opéra tragique et magistral, absent de la scène milanaise depuis 23 ans, a littéralement transporté le public dans un tourbillon d’émotions fortes.
Une distribution exceptionnelle pour un opéra mythique
Pour ce grand retour, la Scala avait vu les choses en grand en réunissant une distribution de haute volée. La soprano russe Anna Netrebko, habituée des lieux, a prêté sa voix envoûtante au personnage de Donna Leonora, fille du marquis de Calatrava qui s’oppose à son mariage avec Don Alvaro, incarné avec brio par le ténor américain Brian Jagde.
Leur duo amoureux maudit a été magnifié par l’interprétation intense du baryton français Ludovic Tézier dans le rôle de Don Carlo, le frère de Leonora obsédé par la vengeance. À la baguette, le maestro Riccardo Chailly a su sublimer la partition tourmentée de Verdi, faisant vibrer le public au rythme des drames qui se nouent.
La malédiction de La Force du destin
Créé en 1862 en Russie avant d’être remanié pour la Scala en 1869, cet opéra en quatre actes baigne dans une atmosphère mystérieuse, presque superstitieuse. La légende raconte que des événements funestes se seraient produits lors de certaines représentations, alimentant l’aura maléfique entourant cette œuvre.
Au fond, c’est un opéra qui nous renvoie à un miroir assez cruel de ce que nous sommes.
Dominique Meyer, directeur général de l’Orchestre de chambre de Lausanne
Mais pour cette nouvelle production, la seule malédiction semble avoir été celle d’un succès retentissant. Pendant plus de 12 minutes, les artistes ont été acclamés par un public conquis, avec de nombreux «bravo» fusant dans la salle.
La force des sentiments et du destin
Au-delà des superstitions, La Force du destin est avant tout un drame lyrique d’une rare intensité, porté par la musique envoûtante de Verdi. Tout au long des quatre actes, les personnages sont emportés dans un engrenage tragique où la passion amoureuse se heurte à la fatalité.
Les airs emblématiques, comme le célébrissime La Vergine degli angeli chanté par Leonora au couvent, prennent ici une dimension poignante. Chaque soliste excelle dans l’expression des tourments intérieurs de son personnage, faisant vibrer la salle au diapason de leurs émotions.
Une mise en scène au service du drame
Pour servir ce livret puissant, le metteur en scène Lorenzo Mariani a imaginé des décors suggestifs, jouant sur les contrastes entre ombres menaçantes et lumières divines. Les costumes d’époque achèvent de plonger le spectateur dans l’Espagne du XVIIIe siècle, théâtre de cette tragédie romantique.
Après tant d’années d’absence, le retour de La Force du destin à la Scala s’est donc imposé comme un moment de grâce lyrique. Un opéra total, où la musique, les voix et la dramaturgie se conjuguent pour sonder les tréfonds de l’âme humaine. Nul doute qu’avec une telle distribution, cette nouvelle production est promise à un bel avenir sur les scènes internationales.
En attendant, le public milanais peut se réjouir d’avoir assisté à un spectacle d’exception, un de ceux qui font la légende du temple de l’art lyrique qu’est la Scala. La force du destin a encore frappé, mais cette fois-ci pour le meilleur, en offrant aux spectateurs un moment d’émotion rare et précieux.