Dans les rues animées d’Helsinki, la capitale finlandaise, se cache une réalité sombre et alarmante. La Finlande, ce petit pays nordique de 5,5 millions d’habitants réputé pour sa qualité de vie, est aujourd’hui confrontée à un fléau d’une ampleur sans précédent : la mort de jeunes toxicomanes due à la consommation d’opioïdes. Même les personnes concernées le reconnaissent : le problème a atteint un niveau critique, en particulier chez les moins de 25 ans.
Une hécatombe silencieuse
Les chiffres sont glaçants. En 2023, la Finlande a recensé 310 décès par overdose, dont plus de 80% d’hommes. Parmi ces victimes, 91 avaient moins de 25 ans, soit près d’un tiers du total. Une proportion alarmante qui place le pays au quatrième rang de l’Union européenne pour les surdoses mortelles dans cette tranche d’âge.
La situation est devenue insupportable.
– Annuska Dal Maso, responsable de la Fondation A-Clinic d’Helsinki.
Pour les acteurs de terrain, ce constat est doublement inquiétant. Non seulement le nombre de jeunes qui succombent ne cesse d’augmenter, mais la Finlande semble mal préparée pour affronter l’arrivée imminente d’opioïdes encore plus puissants, comme le redoutable fentanyl qui fait déjà des ravages dans les pays baltes voisins.
Un cocktail explosif
Depuis les années 2000, la buprénorphine vendue sous le nom de Subutex et l’amphétamine dominent le marché de la drogue en Finlande. Consommées en association avec de l’alcool et d’autres substances, elles sont à l’origine de la majorité des overdoses fatales selon les experts.
Mais les causes de cette hécatombe sont multiples. L’attitude de la société face à la drogue a changé, les drogues dures sont plus accessibles, commandées en quelques clics sur des messageries cryptées. Dans le même temps, la santé mentale des jeunes s’est fortement dégradée, les rendant plus vulnérables aux addictions.
Un système de soin défaillant
Face à cette crise, le système médico-social finlandais semble démuni. Seuls 30% des consommateurs d’opioïdes forts bénéficient d’un suivi adéquat. Les jeunes toxicomanes sont ballottés d’une clinique à l’autre, avec des délais d’attente de plusieurs semaines, au lieu d’être pris en charge de manière globale et coordonnée.
Il y a 20 ans, la Finlande était précurseur en matière de réduction des risques liés à la drogue, mais aujourd’hui, nous sommes à la traîne par rapport à d’autres pays.
– Margareeta Hakkinen, cheffe physicienne à l’Institut finlandais pour la santé et le bien-être (THL).
Des mesures d’urgence attendues
Le gouvernement a débloqué près de 11 millions d’euros pour un programme de prévention des décès liés à la drogue chez les jeunes qui sera lancé en 2025, ainsi que 7,5 millions pour améliorer la prise en charge des jeunes souffrant de problèmes de toxicomanie et de violence.
Mais pour de nombreux experts, il faut aller plus loin. L’institut THL plaide pour une légalisation des salles de consommation à moindre risque, un accès plus rapide à un accompagnement adapté et une réduction de la stigmatisation des toxicomanes. Des « salles de shoot » qui doivent encore convaincre la classe politique.
Car le temps presse. Des drogues plus dures font leur apparition, comme le Flakka, une substance de synthèse aux effets dévastateurs. Selon des témoignages, cette drogue prive les consommateurs de « tout ce qu’ils aiment ».
Face à cette crise sans précédent, la Finlande doit réagir de toute urgence. Il en va de la vie de sa jeunesse et de l’avenir de toute une société. Le pays, longtemps modèle en matière de bien-être, saura-t-il relever ce défi ? Les prochains mois seront décisifs.