C’est un tournant historique qui s’opère actuellement en Syrie. Après des décennies de règne sans partage, marquées par une répression féroce, les services secrets syriens, piliers de la dictature, viennent d’être dissous. Une annonce choc qui suscite autant d’espoirs que d’interrogations sur l’avenir du pays.
La fin d’un appareil sécuritaire tentaculaire
Depuis l’arrivée au pouvoir de la famille Assad il y a plus de 50 ans, les multiples services de renseignement syriens faisaient régner la terreur, traquant sans relâche opposants et dissidents. Avec des dizaines de milliers d’agents, ces organes de surveillance et de répression quadrillaient la société à tous les niveaux.
Les services de sécurité étaient partout. Personne n’était à l’abri de leur contrôle, de leurs menaces, de leurs exactions. C’était une épée de Damoclès suspendue au-dessus de chaque Syrien.
– Témoignage d’un opposant en exil
Enlèvements, détentions arbitraires, torture : les abus des services secrets étaient légion. Les geôles syriennes comptaient parmi les pires au monde, avec plus de 100 000 personnes mortes en détention depuis 2011 selon les ONG. Un véritable État dans l’État, au-dessus des lois.
Une décision symbolique après la chute du régime
Mais le 8 décembre 2024 a marqué un tournant. Après des mois de soulèvement populaire, le régime de Bachar el-Assad s’est finalement effondré. Et l’une des premières décisions des nouvelles autorités a été de s’attaquer aux services secrets.
Anas Khattab, tout juste nommé à la tête du renseignement, a annoncé un plan de « restructuration » radicale, passant par la « dissolution » pure et simple de tous les services existants. Une annonce accueillie par des scènes de liesse dans le pays.
L’institution sécuritaire sera réformée après la dissolution de tous les services et leur restructuration, de manière à honorer notre peuple.
– Anas Khattab, nouveau chef du renseignement syrien
Dès l’annonce de cette décision, les Syriens se sont rués vers les anciens locaux des services secrets, désormais désertés, notamment dans le sinistre « carré de la sécurité » de Damas. Beaucoup espèrent y obtenir des informations sur le sort de leurs proches disparus.
Des défis immenses pour bâtir un « nouvel appareil »
Mais au-delà de la portée symbolique, cette dissolution soulève de nombreuses questions. Comment reconstruire des services sécuritaires crédibles et intègres après des décennies de dérive totalitaire ? Quelle place leur donner dans le nouvel édifice institutionnel du pays ?
- Définir un nouveau cadre légal strict pour encadrer l’action des futurs services
- Mener une épuration en profondeur pour écarter les éléments compromis
- Instaurer des mécanismes de contrôle et de transparence
- Repenser complètement la doctrine, les missions et le fonctionnement
Autant de chantiers complexes et sensibles à mener pour les nouvelles autorités syriennes, qui devront trouver le bon équilibre entre les impératifs sécuritaires et le respect de l’état de droit et des libertés fondamentales. Un défi de taille dans un pays encore convalescent.
Le long chemin de la reconstruction et de la réconciliation
Car si la dissolution des services secrets marque une rupture majeure, elle n’est qu’une première étape dans le processus de reconstruction et de réconciliation nationale qui attend la Syrie. Après une décennie de guerre civile dévastatrice, le pays est à genoux, les plaies sont profondes.
Justice transitionnelle, retour des réfugiés, relance économique, réformes politiques… Les chantiers sont immenses pour tourner la page des années noires et bâtir une Syrie nouvelle, apaisée et démocratique. Un chemin semé d’embûches, qui demandera du temps, des efforts et la mobilisation de tous.
La route sera longue et difficile. Mais avec la volonté du peuple syrien et le soutien de la communauté internationale, nous pouvons y arriver. Nous devons y arriver. Pour toutes les victimes, pour les générations futures.
– Un responsable de la société civile syrienne
La dissolution des services secrets n’est donc qu’un premier pas. Mais un pas crucial, porteur d’espoir. Celui d’un nouveau départ pour la Syrie, après tant d’années de plomb. Les Syriens osent enfin rêver d’un avenir meilleur. Un rêve qu’il faudra transformer en réalité, pierre après pierre, dans un effort collectif de longue haleine. L’histoire ne fait que commencer.
