Au cœur de la Ve Avenue à New York se dresse un somptueux château, théâtre d’un des bals les plus fastueux et extravagants que la ville ait connus. Nous sommes le 26 mars 1883, et les Vanderbilt, l’une des familles les plus riches d’Amérique, organisent une fête déguisée d’une ampleur inégalée pour célébrer l’emménagement dans leur nouvelle demeure, rebaptisée avec emphase le « Petit Château ».
Une revanche sociale éclatante
Derrière les paillettes et l’apparat de cette soirée mémorable se cache en réalité un enjeu de taille pour les hôtes. Car si les Vanderbilt possèdent une fortune colossale, fruit de l’empire ferroviaire bâti par le patriarche William Henry Vanderbilt, ils peinent encore à se faire accepter par la haute société new-yorkaise, les « Knickerbockers », qui snobe ces nouveaux riches aux manières jugées peu raffinées.
C’est Alva Vanderbilt, épouse de William Kissam Vanderbilt, qui est à la manœuvre. Bien décidée à forcer les portes des cercles les plus fermés, cette femme de caractère met les petits plats dans les grands. Et déploie des trésors d’imagination et de moyens pour éblouir ses 1200 invités, dont certaines figures incontournables du gotha.
Un bal d’anthologie sous le signe du faste
Pendant des semaines, la ville bruisse des préparatifs de l’événement. Les plus grands couturiers et décorateurs sont mis à contribution pour créer une féerie inoubliable. Des artisans s’affairent jour et nuit pour transformer la demeure en palazzo vénitien époustouflant.
Le soir venu, les convives découvrent émerveillés un décor féérique où se mêlent marbres, velours, tapisseries et fleurs à profusion. Dans la salle de bal, un immense lustre de Bohême illumine les lieux de mille feux. Des fontaines de champagne coulent à flots. Un orchestre joue les airs à la mode pour faire virevolter les danseurs en costumes chatoyants.
On parlera longtemps à New York de la fête donnée par monsieur Vanderbilt. On affirme que certains assistants n’étaient pas invités et s’étaient substitués aux personnes qui avaient reçu les lettres d’invitation, en les leur achetant.
Un journaliste du Gaulois, en 1883
Une débauche de luxe et d’extravagance
Alva elle-même apparaît vêtue d’une robe de princesse, recouverte de joyaux étincelants, coiffée d’un diadème serti de diamants. D’autres invités ont sorti le grand jeu :
- Une « reine égyptienne » couverte de bijoux,
- Un « prince russe » en fourrures et pierres précieuses,
- Une « nymphe » drapée de soie et couronnée de fleurs.
Selon les rumeurs, le montant total des toilettes des dames, hors diamants, représentait plus de 60 000 dollars de l’époque, soit près de 2 millions de dollars actuels ! Tandis que le coût global de la fête aurait atteint la somme faramineuse de 250 000 dollars actuels.
Un événement historique
Au lendemain des festivités, toute la presse ne parle que de ça. Les journaux s’arrachent les détails croustillants de cet événement hors-norme, multipliant les superlatifs pour décrire son faste inouï. On estime que la fortune cumulée des convives représentait plus de 250 milliards de dollars actuels !
Ce « bal des Vanderbilt » restera dans les annales comme l’une des fêtes les plus extravagantes et dispendieuses jamais organisées par un particulier à New York. Un véritable « coup d’éclat » qui propulsa d’un coup les Vanderbilt au firmament de la haute société, forçant l’admiration de ceux-là mêmes qui les snobaient.
Ils sauront maintenant qui nous sommes !
Alva Vanderbilt, au lendemain du bal
Dès lors, les portes des salons les plus huppés s’ouvriront grandes devant ces « nouveaux riches » devenus incontournables. Les Vanderbilt seront de toutes les mondanités, leur nom synonyme de luxe et de prestige. Cette fête légendaire marquera leur triomphe définitif sur les préjugés de l’aristocratie.
En ce soir de mars 1883, Alva Vanderbilt ne savait pas encore qu’elle venait d’écrire une page majeure de l’histoire de sa famille et de la haute société new-yorkaise. Un tournant décisif qui allait changer à jamais leur destin, et créer un mythe indélébile. Le bal dont on parlerait encore plus d’un siècle après, comme l’un des plus incroyables de tous les temps.