Dans la banlieue de Rangoun, capitale économique de la Birmanie, le réveil est difficile pour Wai Wai. Cette ouvrière du textile saute le petit-déjeuner avant de partir pour son usine de confection, économisant ainsi quelques précieux kyats. Car dans ce pays en proie à la guerre civile depuis le coup d’État de 2021, chaque pièce compte pour survivre.
Un salaire dérisoire pour de longues journées
Pour 12 heures de labeur quotidien, Wai Wai ne gagne que l’équivalent de 3 euros. Une somme dérisoire qui doit couvrir son loyer, sa nourriture, ses vêtements, mais aussi aider ses parents restés dans l’Ouest de la Birmanie. Là-bas, le conflit entre la junte militaire et des groupes rebelles a terrassé l’économie, faisant flamber les prix des denrées essentielles.
Wai Wai et sa sœur, qui partage son logement près de l’usine, ne peuvent s’offrir de la viande qu’une fois par semaine. Elles réduisent toutes leurs dépenses au strict minimum, se privant même de sorties pour économiser le moindre kyat.
Une industrie florissante avant le putsch
Les usines textiles comme celle de Wai Wai foisonnent dans le quartier de Hlaing Tharyar, employant principalement une main d’œuvre féminine pour de longues journées. Il y a quelques années encore, le secteur était en plein essor, attirant des commandes de grandes marques internationales comme Adidas, GAP, H&M ou Zara. La Birmanie semblait sur la voie de l’ouverture après des décennies d’autarcie.
Mais le coup d’État militaire de février 2021 a brutalement interrompu cet élan. L’économie birmane s’est effondrée, minée par l’inflation galopante, les coupures de courant à répétition et la fuite des investisseurs étrangers. De nombreuses entreprises ont commencé à quitter le pays face à la répression sanglante du régime militaire.
Un avenir sombre pour les ouvrières
D’après des sources proches de l’industrie, certaines grandes marques comme Zara ou H&M ont cessé ou réduit drastiquement leur production en Birmanie. D’autres comme Adidas restent présentes mais suivent la situation de près. Les exportations de vêtements, bien qu’encore substantielles, ont chuté par rapport à leur niveau d’avant la pandémie et le putsch.
Pour les centaines de milliers d’ouvriers du textile, c’est la double peine. Non seulement leurs maigres salaires ne suivent pas l’envolée des prix, mais ils craignent pour la pérennité de leur emploi. Thin Thin Khine, qui travaille avec ses deux sœurs dans une usine voisine de celle de Wai Wai, résume ainsi leur situation :
On travaille toutes les trois, mais il ne nous reste rien à la fin du mois. On ne peut même plus s’acheter de nouveaux vêtements ou des produits de beauté.
Les employeurs, pris en tenaille entre les difficultés d’approvisionnement en électricité, la hausse des coûts des matières premières et la baisse des commandes, peinent à augmenter les salaires. Khin Khin Wai, gérante d’une petite usine, résume ce cercle vicieux :
On investit plus d’argent pour moins de bénéfices. On paie les salaires les plus bas possibles. La situation serait meilleure si on pouvait payer plus, mais on n’en a pas les moyens.
Pour Wai Wai, Thin Thin Khine et des centaines de milliers d’autres ouvrières birmanes du textile, l’avenir s’annonce bien sombre. Prises au piège entre la spirale infernale de la guerre civile, de l’inflation et des bas salaires, elles voient leurs vies “s’effondrer d’année en année”, sans perspective d’amélioration. Un constat amer pour ces travailleuses de l’ombre, maillons essentiels mais fragiles de l’industrie de la mode mondialisée.