Dès le 1er novembre 2024, la France franchira une étape décisive dans la lutte contre la drépanocytose. Cette maladie génétique, la plus fréquente dans l’Hexagone, sera désormais systématiquement dépistée chez tous les nouveau-nés, a annoncé mardi la Direction générale de la Santé (DGS). Une avancée majeure pour une pathologie longtemps sous-estimée, qui touche pourtant un nourrisson sur 1065.
La drépanocytose, un fléau silencieux
Derrière ce nom peu familier se cache une maladie invalidante, potentiellement mortelle. La drépanocytose est une pathologie du sang, caractérisée par une anomalie de l’hémoglobine, la protéine chargée de transporter l’oxygène dans les globules rouges. Chez les personnes atteintes, les globules rouges prennent une forme de faucille, d’où le terme “drépano” qui signifie faucille en grec.
Ces globules rouges déformés ont tendance à s’agglutiner, provoquant des crises vaso-occlusives extrêmement douloureuses. Ils sont également plus fragiles, entraînant une anémie chronique. Mais les complications ne s’arrêtent pas là : la drépanocytose augmente le risque d’infections graves, d’accidents vasculaires cérébraux, d’insuffisance rénale, de problèmes oculaires…
Une maladie héréditaire
La drépanocytose est une maladie génétique, transmise par les parents. Pour qu’un enfant soit atteint, il faut que chacun de ses parents lui transmette le gène muté. Lorsqu’on n’a reçu qu’un seul gène muté, on est porteur sain : on ne développe pas la maladie, mais on peut la transmettre.
Lorsque les deux parents sont porteurs sains, leur risque de concevoir un enfant souffrant de la maladie est d’un sur quatre.
Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm)
En France, la drépanocytose touche particulièrement les départements d’outre-mer et la région parisienne. Selon l’Inserm, elle concerne une naissance sur 499 en outre-mer, et une sur 765 en Île-de-France.
Le dépistage néonatal, un enjeu de santé publique
Jusqu’à présent, le dépistage de la drépanocytose à la naissance n’était pas systématique sur tout le territoire. En métropole, il était réalisé uniquement pour les nouveau-nés dont les parents étaient originaires de régions à risque. Seuls les départements d’outre-mer pratiquaient un dépistage généralisé.
Pourtant, ce dépistage est crucial. Car si la drépanocytose est silencieuse chez le nourrisson, elle peut rapidement devenir menaçante. Anémie, infections sévères, crises douloureuses… Les complications peuvent surgir dès les premiers mois de vie. D’où l’importance d’un diagnostic précoce, pour une prise en charge rapide et adaptée.
C’est tout l’enjeu de la décision annoncée par la DGS. En généralisant le dépistage néonatal à l’ensemble du territoire, les autorités sanitaires espèrent améliorer le pronostic et la qualité de vie des patients. Un progrès majeur, quand on sait que la drépanocytose peut réduire l’espérance de vie de 20 à 30 ans.
Un test simple et indolore
Concrètement, le dépistage de la drépanocytose sera intégré au programme national de dépistage néonatal, qui permet déjà de repérer d’autres maladies rares comme la mucoviscidose ou le déficit en MCAD. Il sera réalisé gratuitement à la maternité, entre le 2ᵉ et le 3ᵉ jour de vie du nourrisson, par un simple prélèvement de sang au talon.
Un geste anodin, mais qui peut changer une vie. Car diagnostiquer tôt, c’est donner toutes les chances au bébé de grandir en bonne santé. Grâce à un suivi médical régulier, des traitements préventifs et une éducation des parents, il est possible de limiter les complications et d’offrir aux enfants drépanocytaires une enfance presque normale.
Vers une meilleure prise en charge
Au-delà du dépistage, c’est toute la prise en charge de la drépanocytose qui doit être repensée. Car si des progrès ont été réalisés ces dernières années, beaucoup reste à faire pour améliorer le quotidien des patients et de leurs familles.
Cela passe notamment par une meilleure formation des professionnels de santé, encore trop peu sensibilisés à cette maladie. Mais aussi par un accompagnement psychologique et social renforcé, pour aider les familles à faire face à cette pathologie chronique et invalidante.
La généralisation du dépistage néonatal est donc une première étape cruciale. Mais elle doit s’inscrire dans une stratégie globale, visant à faire de la drépanocytose une priorité de santé publique. Car c’est seulement ainsi, en conjuguant prévention, soins et recherche, que nous pourrons espérer vaincre cette maladie qui fait encore trop de ravages dans l’ombre.