C’est une triste nouvelle qui a bouleversé le monde littéraire ce lundi matin. Ismaïl Kadaré, immense écrivain albanais de renommée internationale, s’est éteint à l’âge de 88 ans des suites d’une crise cardiaque. Figure emblématique de la littérature du 20ème siècle, il laisse derrière lui une œuvre monumentale et un destin hors du commun, lui qui a réussi l’exploit de s’imposer comme un géant des lettres malgré la chape de plomb de la dictature dans son pays natal.
Un écrivain dissident dans l’Albanie communiste
Né en 1936 à Gjirokastër en Albanie, Ismaïl Kadaré a très tôt été attiré par la littérature et les grands auteurs. Mais dans l’Albanie communiste d’Enver Hoxha, la liberté de création était extrêmement limitée. Pourtant, au fil de ses romans, Kadaré n’a eu de cesse de critiquer, de manière codée et subtile, le régime totalitaire. Des ouvrages aussitôt censurés ou mutilés, mais qui ont fait de lui une figure de la dissidence et de la résistance par la plume.
Si tu fais confiance à la littérature, rien qu’à la littérature, elle sera ta protection céleste. Il ne peut rien t’arriver.
– Ismaïl Kadaré
Le Général de l’armée morte, premier succès international
En 1963, il publie Le Général de l’armée morte qui connaît un grand succès en Albanie avant d’être traduit et de faire découvrir au monde occidental ce talent venu des Balkans. À travers l’histoire d’un général italien tentant de rapatrier les corps de ses soldats, Kadaré signe une fable politique grinçante et un premier chef-d’œuvre.
Des romans entre réalisme et onirisme pour dénoncer la dictature
Dans les années qui suivent, porté par une imagination débordante, il multiplie les romans audacieux où se mêlent réalisme et symbolisme pour mieux épingler le régime. Que ce soit dans Le Palais des rêves (1981) où il imagine un pays où les rêves des habitants sont consignés ou La Pyramide (1992) qui raconte un pharaon luttant contre les traditions, ses livres sont autant de charges contre l’absurdité totalitaire.
L’exil en France à partir de 1990
En 1990, n’en pouvant plus des pressions et des compromissions, Ismaïl Kadaré choisit l’exil et demande l’asile politique en France. C’est là qu’il continuera d’écrire, avec un souffle romanesque intact et une liberté retrouvée.
De nombreuses récompenses
Au fil des années, il a reçu de nombreux prix internationaux dont :
- Le Man Booker International Prize en 2005
- Le Prix Prince des Asturies en 2009
- Le Prix Jérusalem en 2015
- Le Prix Pak Kyongni en 2019
Il était également pressenti à plusieurs reprises pour le Prix Nobel de Littérature, preuve de son immense renommée.
Dans un pareil duel entre un tyran et un poète, c’est toujours on le sait, le poète qui l’emporte, même, si pour un temps, il peut paraître vaincu.
– Ismaïl Kadaré
Un héritage littéraire immense
Ismaïl Kadaré, c’était avant tout une voix singulière au souffle épique puissant. Un conteur hors pair capable de brasser les mythes avec l’histoire contemporaine. Une figure morale aussi, symbole de l’écrivain résistant face à l’oppression. Avec sa disparition, c’est un monument de la littérature mondiale qui s’éteint.
Même s’il affirmait que la littérature avait été sa “protection céleste”, nul doute qu’il a, à son tour, protégé et transcendé la littérature par son courage et son génie. Une œuvre monumentale, un destin romanesque, une perte immense. Ismaïl Kadaré a marqué à jamais les lettres et les esprits.
À travers ses romans, son combat et sa vie, il laisse un héritage inestimable. Celui d’une littérature puissante et libre, capable de s’élever contre vents et marées. Une leçon d’écriture et d’humanité qui continuera de nous éclairer longtemps.
