Alors que l’attention se focalise souvent sur les déserts médicaux, un autre phénomène tout aussi préoccupant gagne du terrain en France : la désertification des pharmacies en milieu rural. Depuis 2007, pas moins de 4000 officines ont mis la clé sous la porte, dont 300 rien que l’an dernier selon les chiffres de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France. Une situation alarmante qui impacte directement l’accès aux soins des populations.
Un maillage pharmaceutique qui se délite
Avec moins de 20.000 pharmacies sur l’ensemble du territoire, certaines zones se retrouvent particulièrement démunies. Dans les campagnes, de nombreux villages voient leur dernière officine fermer faute de repreneur, même lorsque la cession se fait pour l’euro symbolique. Une problématique qui touche particulièrement les territoires déjà fragilisés par la désertification médicale.
Quand la pharmacie du village ferme, c’est tout un pan de l’offre de soins de proximité qui disparaît.
– Claire Peigné, Association des maires de France
L’officine, bien plus qu’un commerce
Car la pharmacie en milieu rural est bien plus qu’un simple commerce. C’est souvent le premier interlocuteur santé, prodiguant conseils et orientant dans le parcours de soins. Avec le vieillissement de la population, elle joue aussi un rôle clé dans le suivi des traitements au long cours et la prévention. Sa disparition fragilise donc tout l’écosystème de santé local.
- 80% des Français considèrent leur pharmacien comme un professionnel de santé de premier recours
- 54% ont déjà sollicité un conseil santé auprès de leur pharmacien
Un décret pour enrayer le phénomène
Face à cette érosion préoccupante du maillage officinal, les pouvoirs publics tentent de réagir. Un décret paru fin mai, avec 6 ans de retard, vise à faciliter l’installation de pharmacies dans les territoires sous-dotés. Il permettra des dérogations aux règles de répartition démographique et géographique pour maintenir une présence pharmaceutique dans les zones reculées.
Des mesures également attendues par la profession, comme l’explique Philippe Besset, président de la FSPF :
C’est un premier pas pour endiguer l’hémorragie, mais il faudra d’autres leviers pour consolider durablement le réseau officinal dans les zones fragiles.
– Philippe Besset, président de la FSPF
Repenser le modèle officinal
Car le problème est structurel. Le modèle économique des pharmacies rurales, très dépendant du volume de médicaments remboursés, est fragilisé par la baisse de la démographie. Pour inciter à l’installation dans ces territoires, il faudra sans doute revaloriser d’autres missions, comme le conseil pharmaceutique, l’accompagnement des patients chroniques ou encore les actes de prévention.
Des pistes de réflexion déjà sur la table des négociations conventionnelles entre syndicats et Assurance maladie. L’enjeu : réinventer un modèle officinal adapté aux réalités des territoires sous-dotés, pour maintenir partout un accès de qualité au médicament et aux soins de premier recours. Un défi de taille pour garantir une égalité de santé sur tout le territoire, alors que les dépenses de médicaments ne cessent de croître.
| Année | Dépenses médicaments remboursés (Mds €) | Croissance |
|---|---|---|
| 2018 | 32,5 | +2,6% |
| 2019 | 33,3 | +2,5% |
| 2020 | 34,2 | +2,7% |
Pharmaciens, élus locaux, pouvoirs publics… C’est une mobilisation collective qui s’impose pour préserver un accès de proximité aux médicaments et aux conseils pharmaceutiques partout en France. Car derrière la désertification des officines en zones rurales, c’est bien le droit à la santé pour tous les citoyens qui est en jeu.
