L’éducation positive, longtemps présentée comme la panacée pour élever des enfants épanouis, fait l’objet de vives critiques de la part d’experts. Gérard Neyrand, sociologue renommé spécialiste de la famille, dénonce les dérives inquiétantes de cette approche dans son dernier ouvrage.
Un postulat erroné sur la nature de l’enfant
Selon Gérard Neyrand, le principal écueil de l’éducation positive réside dans son présupposé de base : l’idée que l’enfant serait fondamentalement bon. Cette vision angélique nierait la complexité du développement psychologique de l’enfant et les défis auxquels il est confronté.
Méfions-nous de ceux qui réfutent les savoirs antérieurs en prétendant que les neurosciences et le comportementalisme sont suffisants pour concevoir une nouvelle éducation de l’enfant.
Gérard Neyrand, sociologue
Une simplification abusive des enjeux éducatifs
En promettant aux parents des recettes miracles pour rendre leurs enfants heureux, l’éducation positive occulterait la complexité du processus éducatif. Elle négligerait l’importance de poser des limites, d’exercer une autorité bienveillante et d’accompagner l’enfant dans la gestion de ses frustrations.
Loin d’un monde aseptisé où l’enfant n’aurait qu’à suivre ses désirs, la réalité exige de lui apprendre à composer avec les contraintes, à différer ses envies et à respecter un cadre. Sans ces apprentissages, le risque est grand de voir émerger une génération d’enfants tyranniques et d’adultes inadaptés.
Quand la bienveillance mène au laxisme
Si les intentions de l’éducation positive partent d’un bon sentiment, à savoir créer un environnement bienveillant et sécurisant pour l’enfant, ses applications concrètes versent parfois dans l’excès inverse. En bannissant toute forme de sanction et en dénigrant le rôle de l’autorité, cette approche peut paradoxalement générer un profond sentiment d’insécurité chez l’enfant.
L’enfant a besoin de sentir que ses parents osent être parents, qu’ils assument leur rôle d’éducateurs avec bienveillance mais aussi avec fermeté quand cela est nécessaire.
Catherine Dumonteil-Kremer, auteure et conférencière
L’épuisement parental, corollaire de l’éducation positive
Pire, en culpabilisant les parents qui osent dire non et exercer leur autorité, l’éducation positive génère une nouvelle forme de mal-être : le burn-out parental. Sommés d’être des parents parfaits, à l’écoute des moindres désirs de leur progéniture, de nombreux adultes craquent sous le poids de cette injonction impossible.
Plutôt que de s’acharner à appliquer une méthode à la lettre, les parents gagneraient à faire confiance à leur bon sens et à s’adapter aux besoins singuliers de leur enfant. Comme le rappelle Gérard Neyrand, « Il n’y a pas de recette universelle en matière d’éducation, mais des principes de base à moduler selon chaque situation ».
Pour une éducation réaliste et adaptée
Alors, faut-il pour autant rejeter en bloc les apports de l’éducation positive ? Certainement pas. Les notions d’empathie, d’encouragement et de respect mutuel qui la sous-tendent restent essentielles. Mais il convient de les intégrer dans une approche plus globale et nuancée de l’éducation.
Plutôt que de se faire les promoteurs d’une méthode unique, parents et professionnels gagneraient à s’enrichir des différents courants de pensée pour construire une éducation sur-mesure. Une éducation qui sache concilier bienveillance et exigence, liberté et cadre, autonomie et sens des responsabilités.
Car c’est dans cet équilibre subtil que réside probablement le secret d’une éducation réussie, à même de préparer les enfants aux défis du monde réel. Loin des mirages d’une enfance idéalisée, mais au plus proche de leur épanouissement véritable.
