Les élections législatives anticipées de 2024 ont livré leur verdict, et le moins que l’on puisse dire, c’est que le Rassemblement national en sort sévèrement ébranlé. Le parti d’extrême droite emmené par Marine Le Pen et Jordan Bardella subit une cuisante défaite, bien loin des ambitions affichées par les deux dirigeants. Avec seulement entre 120 et 150 députés selon les premières estimations, le RN échoue dans sa quête d’une majorité à l’Assemblée nationale. Retour sur ce revers inattendu.
Un objectif de majorité hors d’atteinte
Marine Le Pen et son poulain Jordan Bardella ne cachaient pas leurs ambitions pour ce scrutin anticipé. L’objectif était clair : décrocher au moins une majorité relative à l’Assemblée pour peser sur la politique du pays. Las, les électeurs en ont décidé autrement. La dynamique entrevue lors de la présidentielle ne s’est pas concrétisée dans les urnes.
Le RN est même devancé par la gauche réunie sous la bannière du Nouveau Front populaire (entre 180 et 215 sièges) et par la coalition présidentielle sortante (entre 150 et 180 élus). Un camouflet pour le parti nationaliste, contraint de se contenter du strapontin de troisième force politique du pays.
Une remise en cause de la stratégie de “normalisation”
Ce revers cinglant interroge sur la stratégie de “normalisation” et de “respectabilité” engagée ces dernières années par Marine Le Pen pour élargir l’assise électorale de son mouvement. Force est de constater que cette tentative de dédiabolisation trouve ses limites. Le plafond de verre, que beaucoup pensaient brisé, semble s’être reconstitué au-dessus des têtes lepénistes.
On a cru que le RN s’était banalisé, qu’il était devenu un parti comme les autres. Ce résultat montre que les digues tiennent encore face à l’extrême droite.
analyse un proche de la majorité présidentielle
Il faudra du temps au RN pour digérer cet échec et en tirer les leçons. L’heure est à la remise en question pour un mouvement qui pensait enfin son heure venue. Marine Le Pen et Jordan Bardella vont devoir retourner à leurs études stratégiques pour trouver la martingale. S’ils veulent concrétiser un jour leurs rêves de pouvoir.
Des conséquences internes à prévoir
Ce résultat en demi-teinte devrait provoquer des remous au sein du parti nationaliste. Des voix dissonantes pourraient se faire entendre pour contester la ligne actuelle et réclamer un retour à une rhétorique plus radicale, dans la lignée du RPR historique. Le tandem Le Pen/Bardella risque de voir son autorité sur le mouvement chahutée.
Quid aussi du futur rôle de Jordan Bardella, présenté comme le successeur naturel de Marine Le Pen à la tête du RN. Son étoile pourrait pâlir suite à cette contre-performance. La bataille pour l’avenir du Rassemblement national ne fait sans doute que commencer…
Une recomposition du paysage politique
Au-delà de la défaite du RN, ces élections législatives anticipées rebattent les cartes du jeu politique français. Avec une gauche revigorée et une majorité présidentielle qui limitent la casse, le rapport de force s’annonce plus équilibré au Palais Bourbon. De quoi compliquer la donne pour l’exécutif, condamné à naviguer à vue et à nouer des compromis au cas par cas.
Ces résultats confirment que la tripartition de la vie politique hexagonale n’a rien d’immuable. Le backlash contre le RN prouve que le “dégagisme” peut aussi frapper l’extrême droite. Un constat qui devrait interpeller Marine Le Pen et ses lieutenants.
L’abstention, autre gagnante du scrutin
Ces législatives se caractérisent aussi par un fort taux d’abstention, estimé entre 52 et 56% selon les instituts de sondage. Un record sous la Ve République pour une élection de ce type. Signe d’une forme de lassitude démocratique de l’électorat, un an à peine après la réélection d’Emmanuel Macron à l’Élysée.
Ce désintérêt des Français pour les urnes fait figure de warning pour l’ensemble de la classe politique. Le désamour citoyen alimente un terreau potentiellement favorable aux populistes de tous bords. De quoi inciter les partis de gouvernement à revoir urgemment leurs logiciels pour se reconnecter avec les aspirations d’une société de plus en plus fragmentée.
Difficile à ce stade de démêler tous les enseignements de ce scrutin à la fois interminable et haletant. Une chose est sûre : le paysage politique français en sort profondément remodelé. Avec un grand perdant, le Rassemblement national de Marine Le Pen et Jordan Bardella, dont les rêves d’hégémonie se fracassent sur le mur de la réalité électorale.
Il faudra du temps pour voir se dessiner les nouvelles lignes de force et de fracture qui structureront la vie politique française dans les années à venir. En attendant, le Palais Bourbon s’apprête à vivre au rythme d’une majorité relative et d’oppositions hétéroclites. Avec l’inévitable lot de compromis, d’alliances éphémères et de guérilla parlementaire en perspective.