En Afghanistan, la culture du pavot connait un rebond surprenant deux ans après son interdiction par le gouvernement taliban. Selon le dernier rapport de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), les surfaces cultivées ont augmenté de 19% en 2024 par rapport à l’année précédente, atteignant 12 800 hectares.
Cette résurgence, bien que modeste comparée aux 232 000 hectares recensés avant le décret d’interdiction de l’émir Hibatullah Akhundzada en avril 2022, n’en reste pas moins significative dans un pays où 80% de la population vit de l’agriculture. Elle témoigne des défis immenses auxquels sont confrontés les agriculteurs afghans pour trouver des alternatives économiques viables.
Un déplacement géographique des cultures
L’ONUDC note également un changement dans la répartition géographique des cultures de pavot. Auparavant concentrées dans le sud de l’Afghanistan, bastion historique des talibans, elles se sont déplacées en 2024 vers le nord-est du pays, notamment dans la province du Badakhshan.
Cette région a d’ailleurs été le théâtre de violents affrontements en mai dernier entre les forces antinarcotiques et des paysans refusant de voir leurs champs détruits, faisant plusieurs morts. Un signe des tensions persistantes autour de cette question cruciale pour l’économie afghane.
Flambée des prix de l’opium depuis l’interdiction
Suite à l’interdiction de 2022, les prix de la plante séchée dont sont extraits l’opium et l’héroïne ont littéralement explosé. Selon les données de l’ONU, ils se sont stabilisés autour de 730 dollars le kilo au premier semestre 2024, contre environ 100 dollars avant le décret taliban.
Une aubaine pour les agriculteurs prêts à prendre le risque de braver l’interdit, dans un contexte de pauvreté extrême et de raréfaction des ressources en eau. Le pavot a en effet l’avantage d’être une culture peu gourmande en irrigation.
Le défi des cultures alternatives
Face à cette situation, les autorités talibanes ne cessent de réclamer des aides internationales pour développer des cultures de substitution rentables pour les paysans afghans. Mais les défis sont immenses, comme le soulignent les chercheurs de l’International Crisis Group (ICG) :
Pour soutenir une agriculture légale, il faudrait plus d’irrigation, des équipements de stockage réfrigéré et de meilleures routes. Or les talibans n’ont pas le budget pour de telles infrastructures.
La Mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan (Minua) a bien proposé récemment à Kaboul d’ouvrir des discussions sur des aides aux cultures alternatives. Mais dans un pays exsangue, sous perfusion de l’aide internationale, la marge de manœuvre apparaît bien mince.
Un enjeu crucial pour l’avenir de l’Afghanistan
La question de la culture du pavot est plus que jamais cruciale pour l’avenir économique et social de l’Afghanistan. Avec une population jeune et en forte croissance, le pays a un besoin vital de développer une agriculture durable et diversifiée.
Mais dans un contexte géopolitique instable, marqué par les sanctions internationales et le gel des avoirs afghans à l’étranger, les perspectives apparaissent bien sombres. Sans une mobilisation massive de la communauté internationale et un dialogue constructif avec les autorités talibanes, le spectre d’une économie de la drogue endémique risque de continuer à planer sur l’Afghanistan pour de longues années.
Un défi immense qui engage la responsabilité de tous les acteurs, afghans comme étrangers, pour offrir un avenir meilleur aux générations futures dans ce pays meurtri par des décennies de guerre et d’instabilité. La lutte contre le narcotrafic et le développement d’alternatives économiques viables seront assurément des enjeux clés des prochaines années en Afghanistan.