L’économie chinoise traverse une période délicate. Selon les dernières estimations, la croissance du PIB du géant asiatique est tombée à 5% en 2024, son plus faible niveau depuis près de trois décennies si l’on exclut la parenthèse Covid. Un chiffre en deçà des attentes de Pékin qui visait une progression « d’environ 5% », après une hausse de 5,2% en 2023. Comment expliquer ce ralentissement marqué et quelles pourraient en être les conséquences ?
Le poids de la crise immobilière et d’une consommation atone
Plusieurs facteurs permettent de comprendre cette contre-performance. Le premier d’entre eux est sans conteste la grave crise qui secoue le secteur immobilier chinois depuis plusieurs mois maintenant. Comme le soulignent de nombreux analystes, l’immobilier pèse lourd sur la reprise et le moral des ménages qui hésitent à consommer.
En témoignent les ventes au détail qui n’ont progressé que de 3,5% l’an dernier, contre plus de 7% en 2023. Un coup de frein brutal qui traduit la frilosité des Chinois à l’heure de dépenser leur argent dans un contexte économique incertain.
La consommation, maillon faible de la reprise
Cette consommation en berne est d’autant plus problématique qu’elle est un des principaux moteurs de croissance pour le pays ces dernières années. Pékin compte sur elle pour prendre le relais des investissements et des exportations, mais la mayonnaise semble peiner à prendre.
La consommation des ménages reste le maillon faible de la reprise économique post-Covid. Le taux d’épargne est toujours élevé et les intentions d’achat restent faibles.
– Shaun Roache, économiste chez S&P Global Ratings
Un constat partagé par de nombreux observateurs qui s’inquiètent de voir la deuxième économie mondiale peiner à relancer sa demande intérieure. Le pouvoir d’achat des Chinois est sous pression, entre chômage des jeunes en hausse et salaires qui ne suivent pas toujours l’inflation.
L’industrie et les exportations en soutien
Face à la faiblesse persistante de la consommation, le pays peut toutefois compter sur la vigueur de son industrie et de son commerce extérieur. Ainsi, la production industrielle a bondi de 5,8% l’an passé, contre 4,6% en 2023, tirée par la demande internationale.
Car paradoxalement, dans ce tableau assez sombre, les exportations chinoises s’en sortent bien, atteignant même un niveau record d’environ 3 400 milliards d’euros en 2024, en progression de 7,1% sur un an. Preuve que malgré les tensions commerciales avec les États-Unis et l’Europe, le « made in China » a encore de beaux jours devant lui.
Des défis de taille pour l’avenir
Cependant, il serait présomptueux de se satisfaire de ces seuls chiffres. Car au-delà de la conjoncture, la Chine doit faire face à des défis structurels de taille, à commencer par son vieillissement démographique qui pèse sur sa population active et ses finances publiques.
Il y a aussi la question de la dette, publique comme privée, qui a explosé ces dernières années pour atteindre des niveaux préoccupants. Sans parler de la volonté affichée par Xi Jinping de rééquilibrer le modèle de croissance chinois en faveur de la consommation et des services, au détriment de l’industrie et de l’investissement. Une transition qui ne se fera pas sans douleur.
La Chine entre dans une nouvelle ère. Celle d’une croissance plus modérée, d’une population vieillissante et d’une rivalité accrue avec les États-Unis. Elle devra s’adapter et se réinventer.
– Alicia Garcia Herrero, Économiste en chef pour l’Asie-Pacifique chez Natixis
Autant de paramètres qui laissent présager des lendemains économiques plus compliqués pour l’Empire du Milieu. Avec à la clé, de possibles répercussions sur la croissance mondiale tant la Chine pèse dans les échanges internationaux. C’est tout l’enjeu des prochaines années : réussir cette mue sans trop de casse.
Un ralentissement aux conséquences mondiales
Car au-delà de ses frontières, le trou d’air chinois inquiète. De nombreux pays, émergents comme développés, ont bâti une partie de leur croissance sur l’appétit apparemment sans fin des consommateurs et des entreprises chinoises. Que ce soit pour leurs matières premières, leurs produits industriels ou leurs services.
Un ralentissement durable de la deuxième économie mondiale aurait donc des conséquences en cascade sur ses principaux partenaires commerciaux. De l’Allemagne au Brésil en passant par l’Australie ou l’Afrique, rares sont ceux qui seraient épargnés.
A cela s’ajoute le risque de voir la Chine, pour soutenir son économie, recourir plus massivement aux subventions et au protectionnisme, au détriment du commerce mondial. Un scénario que redoutent de nombreux économistes, même si Pékin s’en défend pour l’instant.
L’économie chinoise à la croisée des chemins
En définitive, le ralentissement économique que traverse actuellement la Chine est un signal préoccupant, autant pour le pays lui-même que pour le reste du monde. Il met en lumière les fragilités d’un modèle de développement qui a certes fait ses preuves par le passé mais qui semble aujourd’hui atteindre ses limites.
Face à cette nouvelle donne, Pékin se retrouve à la croisée des chemins. Soit il réussit son pari de transformer en profondeur son économie pour la rendre plus résiliente et durable. Soit il s’enlise dans ses vieux travers et ses contradictions au risque de voir sa croissance s’étioler durablement.
Un défi immense mais crucial pour l’avenir économique de la planète. Car qu’on le veuille ou non, lorsque la Chine tousse, c’est le monde entier qui s’enrhume. Il est donc dans l’intérêt de tous que le géant asiatique réussisse sa mue. Reste à savoir à quel prix et dans quels délais. Le suspense reste entier.