Imaginez un pays où le président, accusé de rébellion, est traqué par les forces de l’ordre. Un scénario digne d’un film, et pourtant bien réel en Corée du Sud. L’ancien procureur Yoon Suk Yeol, suspendu mais toujours officiellement chef d’État, risque de devenir le premier président sud-coréen arrêté. Un nouvel épisode de la grave crise politique qui secoue le pays depuis sa tentative avortée d’imposer la loi martiale.
Retour sur les Faits : un Coup de Force Manqué
Dans la nuit du 3 au 4 décembre, Yoon Suk Yeol a déclenché un séisme politique en décrétant la loi martiale et en envoyant l’armée au Parlement pour le bâillonner. Un épisode rappelant les heures sombres de la dictature militaire. Mais les députés ont résisté, réussissant à pénétrer dans l’enceinte et à voter une motion exigeant la levée de la loi martiale. Le président a dû reculer.
Le 14 décembre, les députés l’ont destitué, une procédure qui doit être validée par la Cour constitutionnelle. Suspendu mais encore formellement à la tête de l’État, il est visé par une enquête pour « rébellion », un crime passible de la peine capitale pour lequel son immunité présidentielle ne s’applique pas. Face à son refus de répondre aux enquêteurs, un tribunal a émis un mandat d’arrêt valide jusqu’au 6 janvier contre cet ancien procureur de 64 ans.
Le Président Déchu Défie les Autorités
Depuis, Yoon Suk Yeol reste retranché dans sa résidence, sans manifester de contrition. Il a même défié les forces de l’ordre en envoyant un message à ses partisans où il juge la Corée du Sud « en danger » et promet de « se battre jusqu’à la fin ». Des propos que Vladimir Tikhonov, professeur en études coréennes à l’Université d’Oslo, voit comme un signe de « désespoir ». Il relève en effet que plus de 60% des Sud-Coréens, y compris de nombreux conservateurs modérés, souhaitent que la destitution soit validée par la Cour Constitutionnelle.
Les Enjeux d’une Éventuelle Arrestation
La question centrale est l’attitude qu’adoptera la garde présidentielle, qui s’est opposée ces dernières semaines à des tentatives de perquisition des enquêteurs. Ces derniers ont averti que quiconque tenterait d’empêcher l’arrestation de Yoon Suk Yeol pourrait lui-même être poursuivi pour « obstruction », confirme Kim Hae-won, professeur de droit constitutionnel. Mais le risque de violences inquiète, alors que la Corée du Sud est en deuil national suite au crash aérien meurtrier de Muan.
Le risque de violences est troublant.
Chae Jin-won, chercheur au Humanitas College de l’université Kyung Hee
Des partisans du président déchu, dont des influenceurs d’extrême droite, se sont réunis autour de sa résidence, avec quelques échauffourées constatées avec des manifestants anti-Yoon. L’opposition a demandé à ses députés de rester au Parlement pour surveiller la situation.
Une Crise qui Pourrait S’Enliser
Selon des sources proches du dossier, les enquêteurs veulent interroger Yoon Suk Yeol dans leurs locaux près de Séoul. Ils peuvent le garder 48h en garde à vue, un nouveau mandat étant nécessaire pour une détention prolongée.
Parallèlement, la procédure de destitution suit son cours à la Cour Constitutionnelle, qui a environ six mois pour trancher. Si les juges la valident, de nouvelles élections seront convoquées. Un scénario où le président déchu « va probablement réaffirmer son innocence » selon l’analyste Chae Jin-won.
Cette crise inédite qui frappe la 4ème économie d’Asie et risque de s’enliser porte un coup à sa « crédibilité internationale » estime le chercheur. La Corée du Sud affronte des défis majeurs, de la menace nord-coréenne au ralentissement économique, qui nécessitent un leadership fort et stable. L’issue de ce bras de fer entre le président déchu et les institutions sera déterminante pour l’avenir du pays.