Avec le retour fracassant de Donald Trump à la Maison Blanche, la Cour Suprême des États-Unis se retrouve face à un choix cornélien : faire rempart contre les dérives présidentielles ou céder et laisser le nouveau locataire resserrer son emprise sur le système judiciaire. Un dilemme aux enjeux cruciaux pour l’avenir des libertés publiques outre-Atlantique.
Une Cour déjà acquise à la cause trumpiste ?
Forte d’une majorité conservatrice de 6 juges contre 3, la plus haute instance judiciaire américaine avait déjà accordé de nombreuses victoires à l’ancien président lors de son premier mandat. Dernier fait d’armes en date : la reconnaissance d’une large présomption d’immunité pénale pour ses “actes officiels”, lui permettant d’échapper à un procès pour ses tentatives d’inverser les résultats de l’élection de 2020.
Sa réélection lui assure désormais une quasi-impunité jusqu’à son départ du pouvoir. Mais Donald Trump en veut encore plus. Selon une source proche du dossier, il compte bien utiliser la majorité républicaine au Congrès pour peser sur les futures décisions de la Cour.
Nominations à venir : le grand chambardement ?
Avec la possibilité de nouvelles nominations en cas de départ à la retraite des doyens conservateurs Clarence Thomas, 76 ans, et Samuel Alito, 74 ans, le tempétueux milliardaire pourrait consolider durablement le bloc conservateur. À condition que cela intervienne rapidement, avant un éventuel retournement de majorité au Sénat lors des midterms de 2026.
Ils sont tous les deux assez avisés politiquement pour voir que c’est le moment s’ils veulent sceller une majorité conservatrice à la Cour pour au moins encore une génération.
Steven Schwinn, professeur de droit constitutionnel
Une Cour suprême en sursis ?
Mais tous les experts ne partagent pas cet avis. Certains estiment que la Cour, malgré sa majorité conservatrice, pourrait être la dernière institution en mesure de s’opposer aux excès de l’administration Trump bis.
Steve Vladeck, professeur de droit constitutionnel, pense ainsi qu’il “ne faut pas être grand clerc pour imaginer qu’il y aura des cas dans lesquels son comportement ira trop loin pour la majorité actuelle de la Cour.” Notamment sur les questions de libertés publiques et de droits constitutionnels.
Plusieurs juges nommés par Trump se sont déjà opposés ponctuellement à lui par le passé. Mais la Cour joue gros. Affaiblie par plusieurs arrêts controversés comme celui sur l’avortement, sa crédibilité est en jeu. Surtout si le bouillonnant président venait à contester une décision qui lui déplaît…
L’avenir des USA entre les mains des 9 sages
Dans une Amérique plus polarisée que jamais, la Cour suprême apparaît comme l’ultime garde-fou face à une présidence trumpiste décomplexée. Acceptera-t-elle ce rôle ingrat au risque d’un bras de fer institutionnel ? Ou se pliera-t-elle à la volonté présidentielle quitte à laisser les libertés être remises en cause ?
Les prochains mois seront décisifs. L’héritage et l’indépendance de la vénérable institution sont en jeu. Mais surtout l’équilibre des pouvoirs et l’état de droit, piliers d’une démocratie américaine déjà chancelante. Les 9 sages de Washington ont une lourde responsabilité. Celle de préserver l’essence même des États-Unis.