C’est un rebondissement politique qui a pris de court la Corée du Sud et la communauté internationale. Mardi, le président sud-coréen Yoon Suk Yeol a surpris son pays en proclamant de manière inattendue la loi martiale, une mesure d’exception qui n’avait plus été utilisée depuis plus de 40 ans. Mais quelques heures plus tard, il a finalement annoncé sa levée face à l’inquiétude suscitée.
Un bras de fer avec l’opposition à l’origine de la crise
Pour justifier sa décision choc, Yoon Suk Yeol a accusé l’opposition de « paralyser le gouvernement », en référence au bras de fer en cours sur le budget 2023. La semaine dernière, les députés du principal parti d’opposition, le Parti Démocrate, avaient en effet voté en commission des coupes drastiques dans le projet de loi de finances.
Le recours à la loi martiale ressemble presque à un geste de désespoir pour tenter de s’en sortir, tant sur le plan politique que sur celui de la politique générale.
Alan Yu, ancien diplomate américain en Asie
Selon des experts, cette proclamation surprise s’apparenterait donc à une manœuvre désespérée d’un président « profondément impopulaire » pour reprendre la main, alors que sa cote de confiance est au plus bas.
Un décret martial rapidement contesté
Sitôt la loi martiale décrétée, le général Park An-su, nouveau commandant militaire, a publié un décret en 6 points qui a mis le feu aux poudres :
- Interdiction des activités et partis politiques
- Interdiction de la « fausse propagande » et des grèves
- Interdiction des rassemblements « incitant à l’agitation sociale »
- Médias placés sous contrôle militaire
- Personnel médical sommé de reprendre le travail sous 48h
Des hélicoptères de l’armée ont même atterri sur le toit du Parlement à Séoul pour empêcher les députés d’entrer, en vain. 190 élus ont réussi à passer et ont immédiatement voté à l’unanimité une motion bloquant l’application de la loi martiale, appelant à sa levée.
Une réaction internationale inquiète
Au-delà des frontières, la proclamation de la loi martiale a suscité une vive émotion dans de nombreuses capitales. Les États-Unis, proches alliés de la Corée du Sud, se sont dits « très inquiets », espérant une issue respectant « l’État de droit ». L’ONU, le Royaume-Uni et l’Allemagne ont aussi fait part de leurs préoccupations.
De son côté, la Chine a appelé ses ressortissants sur place à la prudence. Mais c’est surtout la réaction de la Russie qui a été scrutée. Moscou, qui a renforcé ses liens avec la Corée du Nord dans le cadre de la guerre en Ukraine, a jugé la situation « alarmante ».
Volte-face présidentielle et levée de la loi martiale
Face à ces réactions en cascade, Yoon Suk Yeol a finalement décidé de faire machine arrière seulement quelques heures après sa proclamation, annonçant la levée de la loi martiale lors d’une nouvelle allocution. Il a expliqué accéder à « la requête de l’Assemblée nationale » suite au vote des députés.
Les troupes déployées dans les rues de la capitale vont donc se retirer. Mais cet épisode laisse des traces. Sur le plan économique, la monnaie coréenne, le won, a chuté avec la proclamation. Et politiquement, de nombreux observateurs s’interrogent sur l’état de la démocratie sud-coréenne après ces événements hors normes.
La Corée du Sud pensait ces soubresauts politiques d’un autre temps révolus. En proclamant puis en annulant la loi martiale en l’espace de quelques heures, le président Yoon Suk Yeol a semé le trouble et l’inquiétude, y compris chez les principaux alliés de Séoul. Si la situation semble revenue à la normale, cet épisode pourrait laisser des séquelles durables sur le paysage politique national.