ActualitésInternational

La COP16 en péril : le grand fossé Nord-Sud menace la biodiversité

La COP16 sur la biodiversité est au bord de l'échec. Les divergences entre pays riches et en développement sur le financement menacent l'avenir de la nature. Malgré les efforts de la présidence colombienne, l'impasse persiste à quelques heures de la fin des négociations...

À quelques heures de la fin des négociations de la COP16 sur la biodiversité à Cali en Colombie, l’impasse persiste entre pays riches et pays en développement sur la question brûlante du financement. Malgré les efforts de la présidence colombienne pour rapprocher les positions, aucun compromis ne se dessine sur ce point crucial qui menace de faire dérailler l’ensemble des discussions.

Un grand fossé Nord-Sud

Depuis le début du sommet le 21 octobre, un grand fossé sépare les pays du Nord, riches et développés, et ceux du Sud qui réclament davantage de soutien financier pour préserver leur riche biodiversité. Les pays en développement demandent la création d’un nouveau fonds dédié, qu’ils jugeraient plus équitable et accessible que les mécanismes existants comme le Fonds Mondial pour l’Environnement (FEM). Une proposition fermement rejetée par les pays riches, notamment l’Union Européenne, qui estiment contre-productif de démultiplier les véhicules financiers.

L’avenir de l’accord de Kunming-Montréal en jeu

Ces tensions mettent en péril l’application de l’accord de Kunming-Montréal, adopté en 2022 pour enrayer la destruction de la nature. Cet accord prévoit de porter à 200 milliards de dollars par an les financements mondiaux pour la biodiversité d’ici 2030, dont 20 milliards provenant des pays développés. Mais sans mécanisme de mise en œuvre, ces objectifs risquent de rester lettre morte. Seuls 42 pays sur 196 ont présenté un plan national pour appliquer l’accord à ce jour.

C’est une négociation très complexe, avec de nombreux intérêts, de nombreuses parties (…) et cela signifie que tout le monde doit renoncer à quelque chose.

Susana Muhamad, ministre colombienne de l’Environnement et présidente de la COP16

D’autres points de crispation

Au-delà de la question du financement, les négociations achoppent aussi sur l’adoption d’un mécanisme pour que les entreprises, notamment pharmaceutiques et cosmétiques, partagent les bénéfices tirés de l’exploitation des ressources génétiques avec les communautés qui les ont préservées. Le Brésil est en pointe sur ce dossier, son ministre de l’Environnement Marina Silva affirmant qu’il s’agit d’un “paiement légitime” et non d’un don.

Autre point de friction : le statut des peuples autochtones, gardiens de territoires riches en biodiversité, au sein de la Convention sur la Diversité Biologique (CDB). Certains pays comme la Russie et l’Indonésie s’opposent à la création d’un organe subsidiaire qui leur donnerait une voix officielle dans les négociations.

Une présidence sous pression

Face à ces multiples noeuds, la ministre colombienne qui préside cette COP16 Susana Muhamad reconnaît la complexité de la tâche mais reste confiante. Saluant le “formidable travail” de son “amie” la ministre brésilienne Marina Silva, elle espère trouver une solution d’ici la plénière finale vendredi soir. Mais pour de nombreux observateurs, le spectre d’un échec plane de plus en plus sur Cali.

La présidence colombienne n’a pas créé les conditions de réussite (…) la réalité est que la réussite s’éloigne.

Aleksandar Rankovic, directeur du groupe de réflexion environnemental Common Initiative

Malgré le record de participation et la transformation de Cali en un grand forum populaire sur la nature, la COP16 risque de manquer son objectif principal : muscler les efforts mondiaux pour enrayer le déclin du vivant. Un rendez-vous manqué lourd de conséquences alors que plus d’un million d’espèces sont menacées d’extinction et que les écosystèmes vitaux pour l’humanité s’effondrent un peu plus chaque jour. La bataille se rejouera dès l’an prochain, cette fois pour le climat, lors de la COP29 à Bakou en Azerbaïdjan. La mobilisation des financements sera là aussi au coeur des débats.

Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.