Alors que la France s’est engagée dans une ambitieuse transition énergétique, le gestionnaire du réseau de distribution d’électricité Enedis anticipe des évolutions majeures dans les années à venir. Selon ses dernières projections dévoilées mardi, la consommation électrique devrait connaître une hausse significative à partir de 2035, tirée notamment par l’essor de la mobilité électrique.
L’électrification des transports, moteur de la hausse de consommation
D’après les scénarios d’Enedis, qui gère près de 75% du marché national, la demande d’électricité sur son périmètre devrait passer de 343 TWh par an en 2019 à environ 396 TWh en 2035. Le principal facteur de cette augmentation sera le développement massif du parc de véhicules électriques. Enedis prévoit ainsi une multiplication par 15 du volume d’électricité consommé par les transports par rapport à 2019, passant de 4 à 61 TWh.
Une hausse plus mesurée dans l’industrie et le tertiaire
Si la mobilité électrique sera le premier moteur de croissance de la demande, les secteurs de l’industrie et du tertiaire devraient également voir leur consommation progresser, mais dans une moindre mesure.
Dans l’industrie, Enedis table sur une hausse de 6 TWh, portée principalement par l’agroalimentaire, la chimie et le verre. Le développement de la filière hydrogène, gourmande en électricité, n’est pas intégré à ces projections car une grande partie des installations devraient être directement raccordées au réseau haute tension de RTE.
Concernant le tertiaire, la croissance des besoins liés aux data centers pourrait compenser les économies d’énergie générées par la rénovation thermique des bâtiments.
Des économies attendues dans le secteur résidentiel
À l’inverse, Enedis s’attend à une baisse de la consommation dans le secteur résidentiel, grâce aux efforts de sobriété et d’efficacité énergétique des ménages. Cette tendance devrait permettre de limiter la hausse globale de la demande en électricité.
Des investissements massifs pour adapter le réseau
Pour faire face à ces évolutions et garantir la performance du réseau dont dépendent 36 millions de clients, Enedis a prévu un plan d’investissement ambitieux. Environ 5 milliards d’euros seront ainsi engagés chaque année jusqu’à 2040 pour renforcer et moderniser les infrastructures.
« Le renforcement de postes sources liés à la mobilité électrique, notamment près des autoroutes, sera l’une de nos priorités. »
– Dominique Lagarde, directeur de la stratégie d’Enedis
Parmi les chantiers clés figurent l’augmentation de la capacité d’accueil des bornes de recharge rapide pour véhicules électriques, en particulier le long des grands axes routiers, ainsi que le déploiement de solutions de pilotage intelligent pour optimiser les flux sur le réseau.
Miser sur la flexibilité et les énergies décentralisées
Au-delà du renforcement physique du réseau, Enedis compte aussi s’appuyer sur une gestion plus flexible de la demande, en encourageant par exemple le développement de l’autoconsommation couplée au stockage. L’intégration croissante des énergies renouvelables décentralisées comme le solaire et l’éolien nécessitera également une adaptation du système électrique pour assurer l’équilibre offre-demande en temps réel.
La transformation du mix énergétique français et l’électrification progressive des usages, en particulier dans les transports, constituent donc un défi majeur pour les gestionnaires de réseaux comme Enedis. Des investissements conséquents et des innovations technologiques seront nécessaires pour accompagner cette transition tout en garantissant un approvisionnement fiable et abordable aux consommateurs.
L’hydrogène, un vecteur énergétique prometteur
Si le développement massif de l’hydrogène n’est pas directement intégré aux projections d’Enedis, ce vecteur énergétique suscite un intérêt croissant. Produit par électrolyse de l’eau à partir d’électricité bas carbone, l’hydrogène pourrait en effet jouer un rôle clé pour stocker les surplus d’énergies renouvelables intermittentes et décarboner certains secteurs difficiles à électrifier comme l’industrie lourde ou le transport longue distance.
« L’Allemagne suit un programme de remplacement pur et simple de toutes ses centrales charbon par l’hydrogène. »
– Selon une source proche du dossier
De premiers projets de grande envergure émergent en Europe, à l’image des centrales électriques à hydrogène récemment mises en service en Allemagne et en Autriche. La France ne compte pas rester à la traîne, avec des infrastructures de production et de transport d’hydrogène qui devraient voir le jour d’ici 2030.
Vers un nouveau paysage énergétique
Les scénarios prospectifs d’Enedis dessinent les contours du paysage électrique français des prochaines décennies, marqué par une consommation globalement en hausse malgré les efforts d’efficacité énergétique. La transition vers la mobilité électrique constituera le principal défi, nécessitant un renforcement ciblé du réseau mais aussi une gestion plus intelligente des flux.
Le développement des énergies renouvelables et des solutions de stockage, dont l’hydrogène, apportera de la flexibilité tout en contribuant à la décarbonation du mix. Il reste désormais à transformer ces projections en réalité, à travers des investissements soutenus et une coordination renforcée entre tous les acteurs du système électrique.