La Colombie se retrouve une nouvelle fois happée par la spirale infernale de la violence. Face à une flambée meurtrière qui a fait plus de 100 morts en moins d’une semaine, le gouvernement a décidé de réactiver les mandats d’arrêt contre les principaux chefs de la guérilla de l’ELN. Une décision lourde de conséquences qui vient contrecarrer les efforts de paix du président Gustavo Petro.
Le Catatumbo, épicentre des affrontements
C’est dans la région montagneuse du Catatumbo, à la frontière avec le Venezuela, que les combats ont été les plus intenses. Selon des sources proches du dossier, la guérilla d’extrême-gauche de l’ELN y a lancé une attaque sanglante contre des dissidents des FARC qui avaient refusé l’accord de paix de 2016. Les civils ont été pris entre deux feux, avec un bilan provisoire de plus de 80 morts et quelque 32 000 déplacés.
Mais les violences ne se limitent pas au Catatumbo. D’après nos informations, des affrontements mortels ont également eu lieu dans le sud du pays entre des factions rivales des FARC, ainsi que dans le nord entre l’ELN et le redoutable cartel de narcotrafiquants du Clan del Golfo. Face à cette situation explosive, le gouvernement colombien a été contraint de déclarer l’état d’urgence lundi et de déployer 5000 soldats supplémentaires.
La « paix totale » de Petro compromise
Pour le président de gauche Gustavo Petro, élu en 2022 sur la promesse d’une « paix totale », c’est un véritable camouflet. Depuis son arrivée au pouvoir, il négociait avec plusieurs groupes armés dans l’espoir de mettre fin à un conflit vieux de six décennies. Mais les pourparlers semblent aujourd’hui dans l’impasse, en particulier avec l’ELN dont les effectifs sont estimés à environ 6000 combattants.
La situation du Catatumbo est instructive. On apprend aussi de ses échecs et il y a un échec ici. Un échec de la nation.
Gustavo Petro, président de la Colombie
En réactivant les mandats d’arrêt contre 31 dirigeants de l’ELN désignés comme porte-paroles dans les négociations de paix, le parquet général a porté un coup dur au processus. Il met en avant « la commission de nouveaux délits » pour justifier sa décision. Parmi les dirigeants visés figurent le principal négociateur Pablo Beltran et le commandant en second Antonio Garcia.
L’ombre des FARC
Si la majorité des FARC ont déposé les armes après l’accord de paix historique de 2016, des factions dissidentes continuent de sévir dans certaines régions reculées. Adeptes du crime organisé et du narcotrafic, elles se livrent une guerre sans merci pour le contrôle des territoires et des routes stratégiques. Un chaos dont profite l’ELN pour étendre son influence et défier l’autorité de l’État.
La communauté internationale inquiète
Face à cette escalade qui ravive les pires heures de la guerre civile, la communauté internationale s’alarme. Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a fermement condamné « les meurtres de civils, y compris d’anciens combattants qui avaient signé l’accord de paix de 2016, de défenseurs des droits humains et de leaders sociaux ». Selon l’ONU, une trentaine de personnes auraient été enlevées et un millier d’autres seraient terrées chez elles, incapables de fuir à cause des violences.
Quel avenir pour la Colombie ?
Alors que l’armée tente de reprendre le contrôle du Catatumbo, la question de l’avenir du processus de paix se pose avec acuité. Gustavo Petro, qui a reconnu un « échec », parviendra-t-il à relancer le dialogue avec les groupes armés ? Ou la Colombie est-elle condamnée à replonger dans le cycle infernal des violences ? Pour les civils pris en étau, l’urgence est de mettre fin aux affrontements meurtriers et de permettre l’acheminement de l’aide humanitaire. Mais le chemin vers une paix durable semble encore long et semé d’embûches.