Dans un verdict retentissant, la Cour interaméricaine des droits de l’Homme (CIDH) vient de condamner fermement la Colombie pour avoir gravement porté atteinte aux droits fondamentaux du peuple indigène U’wa. Au cœur de cette affaire choc : l’autorisation par l’État colombien de plusieurs projets d’extraction de pétrole, de gaz et de minerais au sein même du territoire ancestral de cette communauté autochtone, au mépris total de leur droit à la consultation et au consentement préalable.
Une Réserve Indigène Violée Par L’industrie Extractive
Tout commence en 1999, lorsque la Colombie crée officiellement la réserve indigène unifiée U’wa dans la région montagneuse de la Sierra Nevada del Cocuy, à environ 370 km au nord-est de Bogota. Un sanctuaire destiné à protéger les terres et le mode de vie traditionnel de ce peuple millénaire. Pourtant, à peine un an plus tard, le gouvernement colombien autorise pas moins de sept projets miniers à proximité immédiate et même à l’intérieur de cette zone supposément préservée.
Pour les U’wa, c’est un véritable cataclysme. Non seulement ces activités extractives menacent directement l’intégrité de leur environnement naturel et de leurs sites sacrés, mais elles s’accompagnent en plus d’une présence militaire et paramilitaire accrue, source de multiples exactions :
Depuis l’an 2000, nous dénonçons la présence sur notre territoire de membres de l’armée colombienne et d’autres acteurs armés, coupables d’actes d’intimidation, de violence, et de destruction de notre culture et de notre environnement.
– Porte-parole de la communauté U’wa
Un Processus De Consultation Indigène Bafoué
Pour la CIDH, il ne fait aucun doute que la Colombie a failli à ses obligations envers les U’wa. Non seulement l’État a imposé ces projets sans le consentement des populations concernées, mais il a aussi gravement manqué à son devoir de les consulter de manière adéquate :
La Cour a observé de graves lacunes dans le processus de consultation de la communauté U’wa, alors même que le gouvernement s’apprêtait à autoriser des projets industriels susceptibles d’avoir un impact direct et profond sur leurs droits.
– Extrait de l’arrêt de la CIDH
En agissant ainsi, la Colombie a clairement violé les droits des U’wa en matière de propriété collective, de participation politique, d’accès à l’information et de jouissance de leur vie culturelle et d’un environnement sain, selon les juges. Un constat accablant, renforcé par le fait qu’à ce jour, plus de 20 ans après la création de leur réserve, le processus de délimitation et d’attribution des titres fonciers collectifs des U’wa n’est toujours pas finalisé.
La CIDH Ordonne Des Mesures De Réparation
Face à l’ampleur des violations constatées, la Cour interaméricaine ne s’est pas contentée de condamner la Colombie. Elle lui a aussi expressément ordonné de prendre une série de mesures pour tenter de réparer les dommages causés :
- Clarifier d’urgence le statut juridique des territoires U’wa et leur attribuer des titres fonciers collectifs
- Évaluer et atténuer les dégâts environnementaux provoqués par les projets extractifs dans la région
- Garantir la pleine participation des U’wa aux décisions futures concernant leur territoire ancestral
Il s’agit là d’une victoire majeure pour ce peuple indigène longtemps ignoré, même si le chemin vers une véritable justice réparatrice est encore long. Cette décision historique de la CIDH constitue néanmoins un signal fort envoyé non seulement à la Colombie, mais aussi à toute l’Amérique latine : le temps où les États pouvaient bafouer en toute impunité les droits des peuples autochtones au nom du développement économique est révolu. Désormais, ils devront rendre des comptes.