Alors que la colère gronde dans les campagnes françaises contre le projet d’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur, José Bové, figure emblématique de la lutte paysanne, a affirmé sans ambages que cette mobilisation était « aussi légitime » que son action médiatique de démontage du McDonald’s de Millau en 1999. Pour l’ancien député européen écologiste, les revendications des agriculteurs, qui dénoncent la concurrence déloyale des produits sud-américains et « l’alignement par le bas » des normes, sont totalement justifiées.
Un appel à changer les règles du commerce international
Au-delà du cas spécifique de l’accord avec le Mercosur, José Bové estime que « lutter contre ce type de traités est une responsabilité syndicale, mais aussi de tous les hommes et femmes politiques, de l’État et de la Commission européenne ». Selon lui, les règles actuelles du commerce international, dictées par les multinationales et imposées via des accords de libre-échange, sont néfastes pour les paysans du monde entier :
On ne pourra gagner qu’en changeant les règles du jeu, en respectant le droit du travail, l’environnement et en intégrant aux accords commerciaux des normes justes qui ne profitent pas qu’à une poignée de grandes entreprises.
Le « codex alimentarius », une « tromperie totale » ?
L’un des aspects les plus pernicieux de la mondialisation des échanges agricoles, selon José Bové, est le « codex alimentarius », ce programme commun de la FAO et de l’OMS qui définit les normes sanitaires internationales. Pour l’ancien syndicaliste, « ce codex, adossé à tous les accords de libre-échange, est une tromperie totale ». Il autorise par exemple l’usage d’hormones de croissance dans l’élevage, une pratique interdite en Europe mais courante dans les pays du Mercosur comme le Brésil ou l’Argentine.
Dépasser les clivages et construire la solidarité paysanne
Face à ces menaces, José Bové en appelle à dépasser les divisions au sein du monde agricole. « Il doit y avoir une solidarité interne au monde paysan. L’agriculture est-elle synonyme de guerre entre les paysans, au sein d’un même pays ou d’un même continent ? », interroge-t-il. Et de marteler : « On fait tous le même métier. On peut construire autrement qu’avec une concurrence permanente entre paysans ».
Un message d’unité et de rassemblement qui résonne alors que les actions coup de poing se multiplient aux quatre coins de l’hexagone. Après le sabotage d’un transformateur électrique dans le Lot-et-Garonne et le saccage de la permanence d’un député LREM dans la Haute-Vienne, un millier d’agriculteurs ont déversé du fumier et des pneus devant les préfectures de l’Indre et de la Corrèze ce mardi, provoquant d’importants ralentissements sur les routes.
Macron promet que « la France ne signera pas en l’état »
Face à cette pression de la rue, le gouvernement tente de calmer le jeu. Dimanche, Emmanuel Macron a assuré que « la France ne signera pas l’accord en l’état » si ses demandes de garanties, notamment sur le plan environnemental, n’étaient pas prises en compte. Le Premier ministre Édouard Philippe recevra les représentants des syndicats agricoles dans les prochains jours pour « refaire un point » sur le dossier.
Mais du côté de la FNSEA comme de la Confédération paysanne, on reste méfiant et mobilisé. « On ne lâchera rien », prévient un responsable de la coordination rurale. Déterminés, comme José Bové en son temps, à se battre jusqu’au bout pour défendre leur vision d’une agriculture plus humaine et plus juste.