Amertume et stupeur. Ce sont les sentiments qui prédominent parmi les officiels syriens au lendemain de la chute éclair du régime de Bachar el-Assad. En l’espace de quelques jours à peine, le système qui dominait le pays d’une main de fer depuis des décennies s’est effondré, laissant la Syrie face à un avenir incertain.
Une fuite en catastrophe
La scène s’est déroulée dans la nuit de samedi à dimanche. Alors que les rebelles encerclaient déjà Damas, le président Bachar el-Assad a pris la fuite discrètement, abandonnant un pays en plein chaos. Selon des sources proches du dossier, il aurait embarqué dans un avion privé avec sa femme Asma, leurs deux enfants et son frère Maher, redouté chef de la IVe Division chargée de défendre la capitale.
Il est parti en laissant le pays dans le chaos.
– Un officiel syrien sous couvert d’anonymat
La destination exacte de la famille Assad n’a pas été révélée, mais plusieurs pays alliés du régime sont pressentis pour leur servir de refuge, à commencer par la Russie et l’Iran qui ont activement soutenu Damas ces dernières années.
Une offensive rebelle éclair
Cette fuite en catastrophe intervient alors que les forces rebelles, menées par le groupe islamiste Hayat Tahrir al-Cham (HTS), ont mené une offensive éclair à travers le pays. En seulement 12 jours et sans rencontrer de véritable résistance, ils ont conquis les principales villes syriennes :
- Alep, la capitale économique tombée dès le premier jour
- Hama, verrou stratégique au centre du pays
- Homs, dernière étape avant Damas
Face à cette avancée fulgurante, l’armée régulière semble s’être évaporée, multipliant les redditions et les défections. Un effondrement que les spécialistes attribuent à l’usure d’années de guerre civile, mais aussi au délitement accéléré du régime ces derniers mois, miné par les pénuries et les luttes de clans.
Un bouleversement géopolitique majeur
Au-delà de la Syrie, c’est toute la géopolitique régionale qui se trouve chamboulée par cette chute soudaine. Principal allié de Damas avec l’Iran, la Russie subit un camouflet cinglant qui remet en cause son influence dans la zone. Moscou a misé des moyens considérables en Syrie depuis son intervention militaire en 2015, voyant dans le pays un levier essentiel de son grand retour sur la scène moyen-orientale.
La chute de Bachar el-Assad est la manifestation cruciale d’un bouleversement du monde.
– Gilles Kepel, spécialiste de l’islam et du monde arabe contemporain
De son côté, l’Iran perd un partenaire clé dans son « axe de la résistance » anti-israélien et anti-occidental. Téhéran avait mobilisé des milices et des conseillers pour épauler le régime Assad, y voyant un maillon essentiel de son influence régionale face à l’Arabie saoudite et ses alliés.
Un avenir des plus incertains
Pour les Syriens, l’heure est à la sidération. Beaucoup peinent encore à réaliser ce basculement soudain, après des années d’un conflit qui semblait sans fin. Si la peur de la répression s’estompe, c’est désormais l’inquiétude qui domine face à un avenir des plus flous.
Car derrière les discours policés, le spectre d’une nouvelle dictature islamiste n’est pas à écarter. Le profil des rebelles victorieux suscite de vives inquiétudes, HTS étant issu d’une scission d’Al-Qaida et dirigé par Abou Mohammed al-Joulani, l’un des djihadistes les plus recherchés au monde. Malgré un vernis d’ouverture, beaucoup redoutent l’arrivée au pouvoir de ce groupe prônant une ligne dure.
Les djihadistes cherchent à réinstaurer un califat comme à l’époque de Daech.
– Patrice Franceschi, écrivain et aventurier
L’avenir de la Syrie s’annonce donc plus qu’incertain. Après une décennie d’une guerre civile dévastatrice, ce pays martyr doit désormais se reconstruire, mais les défis sont immenses. Entre tensions communautaires, destructions massives, pauvreté endémique et ingérences étrangères, le chemin de la paix s’annonce semé d’embûches.
La Syrie va exploser en quelque chose qui ressemblera à la Libye.
– Fabrice Balanche, spécialiste de la Syrie
Seule certitude, la carte de la région ne sera plus jamais la même après ce séisme géopolitique. Et tous les regards sont désormais tournés vers Damas, pour tenter de décrypter les prémices de la nouvelle Syrie qui se dessine.
