Le fret ferroviaire français est dans une situation critique. Autrefois fleuron du transport de marchandises, la SNCF voit son activité de fret s’effondrer depuis des années. Coûts exorbitants, grèves incessantes, concurrence exacerbée… les raisons de ce déclin sont multiples. Mais derrière cette crise se cache une réalité plus complexe, mêlant enjeux sociaux, économiques et politiques. Plongée dans les coulisses d’une entreprise publique au bord du gouffre.
La SNCF, un géant aux pieds d’argile
Pendant des décennies, la SNCF a régné en maître sur le transport ferroviaire de marchandises en France. Mais depuis l’ouverture à la concurrence en 2006, la situation s’est considérablement dégradée. Fret SNCF, la branche dédiée au transport de marchandises, accumule les pertes et voit ses parts de marché fondre comme neige au soleil. En cause : des coûts de revient bien trop élevés pour rester compétitif face aux nouveaux entrants sur le marché.
Selon une source proche du dossier, la SNCF souffre d’un handicap structurel majeur : « Avec un coût à la tonne transportée 30% plus cher que ses concurrents, Fret SNCF n’a aucune chance de s’en sortir. C’est un géant aux pieds d’argile ». Une situation qui s’explique en grande partie par l’héritage social de l’entreprise publique, avec des avantages acquis au fil des années par les cheminots.
Des cheminots arc-boutés sur leurs acquis
Car derrière la crise du fret ferroviaire se cache un autre mal bien français : la « gréviculture ». Les syndicats de cheminots, très puissants au sein de la SNCF, n’hésitent pas à paralyser le trafic pour défendre leurs intérêts catégoriels. Régime spécial de retraite, progression de carrière automatique, emploi à vie… autant d’avantages devenus indéfendables dans un marché concurrentiel. « À la SNCF, le dialogue social se résume trop souvent à un rapport de force permanent. Chaque réforme est vue comme une agression », regrette un cadre de la compagnie ferroviaire.
Une libéralisation à marche forcée
Mais si la SNCF peine tant à s’adapter, c’est aussi à cause d’une libéralisation du rail menée à marche forcée par Bruxelles. Depuis 2006, le fret ferroviaire est ouvert à la concurrence, sans que les conditions d’une concurrence équitable n’aient été réunies. « On a livré le fret français en pâture à des opérateurs étrangers low-cost, sans se soucier des conséquences sociales et environnementales », dénonce un syndicaliste. Résultat : le transport routier continue de gagner des parts de marché, au détriment du rail pourtant bien plus écologique.
Un avenir en pointillé
Face à cette situation intenable, la direction de la SNCF a fini par jeter l’éponge. À partir du 1er janvier prochain, Fret SNCF sera démantelé et ses activités reprises par deux nouvelles sociétés. Une restructuration douloureuse qui risque de se traduire par des centaines de suppressions d’emplois. « C’est un crève-cœur, mais nous n’avons plus le choix. Il en va de la survie du fret ferroviaire en France », justifie un proche de la direction. Reste à savoir si ce énième plan de sauvetage suffira à enrayer le déclin…
Car au-delà de la SNCF, c’est tout le système ferroviaire français qui est à réinventer. Pour redonner un avenir au fret, il faudra investir massivement dans les infrastructures, moderniser la gestion du réseau et repenser la place du rail dans la chaîne logistique. Un immense chantier qui nécessitera un vrai courage politique. En attendant, les wagons de marchandises risquent de rester encore longtemps à quai…