La Chine vient de dévoiler un plan titanesque pour restructurer l’imposante dette cachée de ses collectivités locales. L’objectif : desserrer l’étau financier qui freine l’économie du pays et créer des conditions propices à une reprise de la demande intérieure. Avec un montant faramineux de 780 milliards d’euros, ce projet s’annonce comme l’un des plus ambitieux de ces dernières années.
Un plan de grande envergure pour alléger le fardeau des collectivités
Le Parlement chinois a pris une décision majeure en relevant le plafond de la dette des gouvernements locaux de 6000 milliards de yuans, soit environ 780 milliards d’euros. Cette mesure vise à permettre aux collectivités d’accéder à davantage de crédits pour acquérir des terrains vacants ou financer des projets immobiliers inachevés.
La dette cachée, un concept méconnu mais crucial, représente les emprunts contractés par un gouvernement national ou local sans être divulgués au public ou aux autres créanciers, selon la définition du Fonds monétaire international (FMI). En Chine, cette dette dissimulée a atteint des proportions considérables ces dernières années.
Les VFGL, intermédiaires clés de la dette cachée
Une grande partie de la dette cachée des collectivités chinoises a été générée via des entreprises publiques appelées véhicules de financement des gouvernements locaux (VFGL). Ces entités ont servi d’intermédiaires entre investisseurs et entrepreneurs en quête de fonds, en contractant des prêts et en émettant des obligations pour financer des projets d’infrastructures.
Cependant, avec l’accomplissement de la plupart des objectifs des gouvernements locaux et une demande en berne, les nouveaux plans de construction offrent un potentiel de retour sur investissement plus faible. De plus, la crise du secteur immobilier et la chute des revenus fonciers des collectivités font peser un risque de défaut de paiement sur les VFGL.
Selon le FMI, les collectivités locales chinoises avaient en 2023 une dette d’environ 60.000 milliards de yuans (environ 7.800 milliards d’euros) cachée dans ces véhicules de financement.
Fonds monétaire international
L’impact de la dette cachée sur l’économie chinoise
Alourdies par cette dette massive, les autorités locales ont dû prendre des mesures d’austérité ces dernières années :
- Réductions des salaires des fonctionnaires ou des pensions de retraite
- Suspensions des services de transports publics
- Multiplication des amendes et contributions récupérées auprès d’entreprises
D’après une source proche du dossier, certaines collectivités locales auraient même eu recours à des méthodes douteuses pour augmenter leurs recettes, comme l’augmentation massive du nombre d’amendes infligées ou la falsification de contraventions routières. Ces pratiques ont affecté l’activité des entreprises et miné la confiance des consommateurs.
Les détails du plan de restructuration
Le ministre des Finances Lan Fo’an a détaillé les deux volets principaux de ce plan massif :
- Relèvement du plafond de la dette des gouvernements locaux d’environ 780 milliards d’euros entre 2024 et 2026, permettant aux collectivités d’emprunter davantage pour divers projets.
- Accès à quelque 520 milliards d’euros sur cinq ans via des obligations spéciales pour remplacer la dette cachée des collectivités.
L’ampleur de cette restructuration a dépassé les attentes des experts. Cependant, des analystes de Goldman Sachs ont prévenu que ses effets seraient minimes à moins que “la majorité des bénéfices ne soit utilisée pour payer les arriérés aux entreprises et les retards de salaires des fonctionnaires”.
Une nouvelle tentative pour relancer la machine économique chinoise
Ce n’est pas la première fois que le pouvoir central s’attaque à la dette locale. En 2015, un programme de remplacement de la dette des collectivités par des obligations à taux d’intérêt plus bas avait été lancé.
Le plan dévoilé vendredi s’inscrit dans une série de mesures visant à relancer durablement l’économie chinoise depuis septembre. La reprise post-Covid s’avère en effet laborieuse, plombée par une consommation atone et la grave crise du secteur immobilier. Pékin a notamment assoupli les restrictions pour l’achat de biens et abaissé plusieurs taux directeurs.
Si ces mesures de restructuration de la dette cachée sont appliquées correctement, elles pourraient “libérer des ressources fiscales et permettre aux gouvernements locaux de fonctionner plus normalement”, estiment des analystes de Société Générale. Reste à savoir si ce énième plan sera suffisant pour sortir la deuxième économie mondiale de l’ornière.