Compétition phare du rugby européen, la Champions Cup traverse une zone de turbulences. Jadis si prestigieuse et passionnante, elle semble avoir perdu de sa superbe ces dernières années. Entre mainmise des clubs français, manque de cohérence et d’engouement, la grande Coupe d’Europe n’a plus la même saveur. Décryptage des maux qui plombent ce tournoi et réflexions sur les leviers à actionner pour lui redonner tout son lustre.
L’ultra domination française, un trompe l’œil ?
Depuis 2017, les clubs français règnent en maîtres sur la Champions Cup. Toulouse et La Rochelle ont raflé les quatre dernières éditions, prouvant la supériorité du Top 14. Mais derrière ce brillant palmarès se cache une triste réalité : hormis le Leinster, dernier bastion irlandais avec 4 titres récents, plus aucune équipe ne semble en mesure de contester l’hégémonie tricolore. Jadis si redoutables, les Anglais traversent une crise historique et n’arrivent plus à rivaliser, leurs clubs croulant sous les dettes. Un constat implacable illustré par les déroutes d’Exeter face au Stade Toulousain et à l’UBB cette saison.
La Champions Cup, c’est le Top 14 avec le Leinster invité.
Mourad Boudjellal, ancien président du RCT
L’arrivée des provinces sud-africaines, un coup d’épée dans l’eau
Pour insuffler un vent de fraîcheur et relancer la compétition, l’EPCR a décidé d’intégrer des franchises sud-africaines en 2022. Un choix audacieux qui suscitait de nombreuses interrogations en termes de logistique et d’équité sportive. Force est de constater que pour l’instant, cette greffe ne prend pas. Si les Bulls et les Sharks ont atteint les quarts de finale, ils n’ont pas franchement pesé sur le sort de la compétition. Pire, ces équipes semblent déjà lassées par les longs et fatigants déplacements ainsi que par un calendrier international surchargé. Le dépaysement était alléchant, mais l’enthousiasme est vite retombé.
Si les Sud-Africains doivent continuer à exister dans cette compétition, il faut vraiment réfléchir au rythme du calendrier. Il n’est pas forcément approprié… Ou fausse la compétition.
Ugo Mola, manager du Stade Toulousain
Un format et des règles qui changent trop souvent
Depuis la crise du Covid, l’EPCR peine à stabiliser le format de la Champions Cup. En l’espace de trois saisons, on est passé de poules de 12 à un retour à 4 groupes, avec entre temps l’instauration de huitièmes de finale aller-retour, puis le retour à un match sec ! Un manque de lisibilité et de cohérence qui plombe l’intérêt des suiveurs et nuit à la crédibilité de l’épreuve.
Des matchs moins emballants, un public qui décroche
En dehors de quelques affiches ronflantes, les matchs de Champions Cup n’ont plus la même saveur. Les grandes envolées, les exploits homériques et le suspense haletant ne sont plus légion. Les scores fleuves se multiplient, illustrant le gouffre entre les grosses écuries et les petits poucets. Par ricochet, l’engouement populaire s’effrite, les stades sonnent un peu creux malgré la présence de stars mondiales.
La compétition a perdu de sa magie ces dernières années. C’est très triste, car c’était quelque chose de spécial.
Nigel Owen, ancien arbitre international
Des enjeux financiers limités, un manque d’intérêt des diffuseurs
Si la Champions Cup reste une manne financière non négligeable pour les clubs, avec des primes de participation conséquentes, le modèle économique n’est pas à la hauteur d’autres sports. En 2022, remporter la compétition rapportait 300 000 euros, loin des millions générés par la Ligue des Champions de foot. De même, les droits TV peinent à s’envoler malgré des oppositions prestigieuses. La visibilité de l’épreuve reste perfectible.
Face à ce tableau un brin morose, quelles solutions pour redonner de l’éclat à ce joyau du rugby européen? Le format de la compétition doit impérativement être stabilisé et simplifié. Un retour aux fondamentaux avec une formule plus ramassée, sur le modèle de l’historique H-Cup pourrait raviver la flamme. Ensuite, un rééquilibrage des forces via un salary cap mieux adapté semble indispensable pour relancer l’intérêt sportif et l’incertitude. Enfin, l’EPCR doit impérativement travailler sur un calendrier international plus cohérent pour ménager les organismes et éviter une lassitude des acteurs. Le chantier est titanesque, mais crucial pour l’avenir de cette compétition qui fait la fierté du rugby européen. Tic-tac, le temps presse…