En cette période pré-électorale, les positions divergentes des deux principaux syndicats français, la CGT et la CFDT, sont plus que jamais sous les projecteurs. Alors que la centrale radicale a appelé pour la première fois depuis plus de 30 ans à voter pour un parti dès le premier tour des législatives, l’organisation réformiste se concentre uniquement sur la lutte contre le Rassemblement National. Des approches drastiquement différentes qui trouvent leur origine dans l’histoire et l’identité même de ces deux poids lourds du syndicalisme hexagonal.
La CGT de Sophie Binet : Un Ancrage à Gauche Assumé
Sous l’impulsion de sa nouvelle secrétaire générale Sophie Binet, la CGT a franchi un cap en appelant explicitement à voter pour le programme de la Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale (NUPES) dès le premier tour des élections législatives de 2024. Une prise de position inédite depuis 1988 pour la centrale née en 1895, qui marque un rapprochement idéologique fort avec La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon.
Le programme porté par la NUPES répond aux revendications et aux valeurs que nous défendons depuis toujours à la CGT.
– Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT
En effet, la CGT n’a jamais caché son ancrage à gauche de l’échiquier politique. Historiquement proche du Parti Communiste Français (PCF), elle s’est progressivement ouverte à d’autres mouvances de gauche, tout en gardant une ligne revendicative et contestataire. L’appel à voter NUPES s’inscrit donc dans la continuité de cet engagement.
Une Décision Qui Divise En Interne
Cependant, cette consigne de vote ne fait pas l’unanimité au sein même de la CGT. Certains militants et responsables locaux critiquent un positionnement trop politisé qui risquerait de diviser les adhérents et de nuire à l’indépendance syndicale. Une crainte balayée par Sophie Binet :
Notre rôle est d’éclairer le débat, pas de le confisquer. Chacun votera en son âme et conscience, mais il est important que la CGT donne un cap.
– Sophie Binet
La CFDT de Laurent Berger : Pragmatisme et Lutte Contre l’Extrême-Droite
De son côté, la CFDT emmenée jusqu’à peu par Laurent Berger a fait le choix de ne donner aucune consigne de vote pour le premier tour des législatives. Un positionnement en phase avec la ligne historiquement réformiste et pragmatique du premier syndicat français.
Notre seul mot d’ordre pour ces élections, c’est de faire barrage à l’extrême-droite. Pas question pour autant d’appeler à voter pour un parti en particulier.
– Laurent Berger, ex-secrétaire général de la CFDT
Fidèle à sa tradition de dialogue social et de compromis, la CFDT préfère se concentrer sur les enjeux sociaux et économiques plutôt que de s’engager dans la bataille électorale. Une approche qui lui a permis de devenir la première organisation syndicale en France, mais qui suscite aussi des critiques sur sa capacité à peser dans le débat politique.
Un Front Uni Contre Le Rassemblement National
Si la CGT et la CFDT divergent sur la stratégie à adopter pour le premier tour, elles se retrouvent en revanche sur la nécessité de barrer la route au Rassemblement National. Les deux syndicats mettent en garde contre les dangers d’une arrivée au pouvoir de l’extrême-droite pour les droits des travailleurs et la démocratie sociale.
Le programme du RN est une impasse pour le monde du travail. Il faut absolument éviter qu’ils accèdent aux responsabilités.
– Déclaration commune CGT-CFDT
Un rare point d’accord entre les deux centrales syndicales, qui illustre l’enjeu crucial de ces élections législatives pour l’avenir du modèle social français. Au-delà de leurs différences, CGT et CFDT devront sans doute unir leurs forces dans les mois à venir pour défendre les acquis sociaux face à la montée des populismes.
Deux Visions, Un Même Combat Pour La Défense Des Travailleurs
En définitive, le positionnement de la CGT et de la CFDT en vue des législatives reflète la diversité du paysage syndical français. Si leurs approches diffèrent, leur objectif reste le même : obtenir de nouveaux droits pour les salariés et préserver le modèle social dans un contexte économique et politique incertain.
Reste à savoir si l’appel de la CGT en faveur de la NUPES suffira à mobiliser les électeurs de gauche, et si la stratégie de la CFDT permettra de contenir la poussée de l’extrême-droite. Une chose est sûre : le résultat de ces élections législatives sera scruté de près par les partenaires sociaux, tant il conditionnera leur capacité à peser sur les futures réformes sociales du quinquennat.
