Dans une décision qui soulève des questions sur la justice internationale, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) vient de rejeter le recours de deux anciens détenus français du tristement célèbre camp de Guantanamo. Nizar Sassi et Mourad Benchellali, arrêtés en Afghanistan après les attentats du 11 septembre 2001, ont passé deux ans emprisonnés dans des conditions extrêmes sur la base militaire américaine située à Cuba.
Torture et Détention Illégale: Des Allégations Graves
Les deux hommes accusent les autorités américaines de les avoir soumis à une «détention illégale» et à de la «torture au camp de Guantanamo entre 2002 et 2004». Des allégations qui font froid dans le dos, mais qui ne sont malheureusement pas rares parmi les centaines de prisonniers passés par ce lieu controversé.
Une Immunité Contestée
Devant la CEDH, Sassi et Benchellali contestaient «l’immunité d’Etat» accordée aux militaires ayant agi sur ordre du gouvernement américain. Une protection juridique qui, selon eux, fait obstacle à leur quête de justice.
L’octroi d’une telle immunité dans une procédure civile poursuit “le but légitime de respecter le droit international afin de favoriser la courtoisie et les bonnes relations entre Etats”.
Extrait de la décision de la CEDH
Cependant, la cour a estimé que les plaignants n’avaient pas été empêchés de porter leurs griefs devant la justice française. Leur accès au droit «n’a donc pas été fermé du seul fait de l’existence d’une telle immunité», ont tranché les juges européens.
Un Long Combat Judiciaire
Cette décision de la CEDH s’inscrit dans un long combat mené par Nizar Sassi et Mourad Benchellali pour obtenir réparation. En 2021, la Cour de cassation française avait déjà rejeté leurs pourvois, considérant les faits comme «des actes relevant de l’exercice de la souveraineté de l’Etat» américain.
Auparavant, une juge d’instruction avait rendu un non-lieu en 2017, confirmé deux ans plus tard par la cour d’appel de Paris. Un parcours judiciaire semé d’embûches pour ces hommes marqués à vie par leur passage à Guantanamo.
Indignation des Avocats
Sans surprise, la décision de la CEDH a suscité l’incompréhension et la colère des avocats des plaignants. Dans un communiqué, ils la qualifient d’«incompréhensible» et y voient une «régression préoccupante».
Une décision à rebours d’une inflexion du droit international depuis trente ans qui affirme de plus en plus qu’il ne saurait y avoir d’obstacle juridique pour les victimes des plus grands crimes internationaux tels que la torture.
Extrait du communiqué des avocats
Déterminés à ne pas en rester là, les défenseurs de Sassi et Benchellali ont annoncé leur intention de saisir la Grande Chambre de la CEDH. Un ultime recours pour tenter de faire reconnaître les souffrances endurées par leurs clients.
Au-delà d’un Cas Particulier, des Questions Universelles
Au-delà du cas particulier de ces deux ex-détenus français, cette affaire soulève des interrogations cruciales :
- Quelle justice pour les victimes de violations des droits humains commises au nom de la “guerre contre le terrorisme” ?
- L’immunité des Etats peut-elle primer sur la lutte contre l’impunité des auteurs de torture ?
- Comment concilier relations diplomatiques et devoir de vérité et de réparation ?
Autant de questions épineuses qui continueront de se poser tant que des lieux comme Guantanamo existeront et que la raison d’Etat primera sur les droits humains fondamentaux. Le combat de Nizar Sassi et Mourad Benchellali est aussi celui de tous ceux qui croient en une justice universelle et en la dignité inaliénable de chaque être humain, même confronté aux pires accusations.