La liberté de la presse est un pilier fondamental de toute démocratie. Pourtant, force est de constater que ce droit est régulièrement bafoué, y compris au sein de l’Union européenne. La récente condamnation de la Hongrie par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) en est un exemple frappant. Le pays a été sanctionné pour avoir placé sur écoute le téléphone d’une journaliste dans le but de découvrir ses sources au sein de la police.
Une journaliste espionnée pendant plusieurs jours
Klaudia Csikos, reporter pour le quotidien hongrois Blikk, a vu son téléphone mis sous surveillance du 3 au 6 novembre 2015. Les autorités cherchaient à identifier un de ses informateurs parmi les forces de l’ordre, alors qu’elle enquêtait sur un abus d’autorité. Suite à cet espionnage, un proche de la journaliste, agent de police, a été sanctionné pour avoir échangé avec elle.
Estimant que son téléphone avait été écouté illégalement, nuisant ainsi à son travail, Mme Csikos a déposé plainte. Mais ses requêtes ont été rejetées par les autorités hongroises. Elle s’est alors tournée vers la CEDH, invoquant une violation de son droit au respect de la vie privée et de sa liberté d’expression, protégés par la Convention européenne des droits de l’homme.
Une législation hongroise trop floue
Dans son analyse, la Cour de Strasbourg a pointé du doigt les failles de la législation hongroise en matière de surveillance. Si celle-ci définit bien les types de crimes et délits pour lesquels les enquêteurs peuvent recourir aux écoutes, elle « ne décrit pas les catégories de personnes qui peuvent faire l’objet d’une surveillance et ne donne pas d’exceptions ou de limitations », a souligné la CEDH.
Dans le cas de Klaudia Csikos, les autorités n’ont pas vérifié « si l’interception de communications impliquait des sources journalistiques confidentielles », ou si le juge autorisant la mise sur écoute « aurait pu refuser une telle mesure pour éviter que des sources ne soient démasquées ». Un manquement grave au regard de la protection des sources, essentielle au travail des journalistes.
La Hongrie condamnée à verser des dommages et intérêts
Au vu de ces éléments, la CEDH a conclu que la Hongrie avait violé les articles 8 et 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, relatifs au respect de la vie privée et à la liberté d’expression. Budapest a été condamné à verser 6 500 euros à la journaliste pour dommage moral, ainsi que 7 000 euros pour frais et dépens.
Cette décision rappelle l’importance cruciale de la confidentialité des sources journalistiques et la nécessité pour les États de mettre en place un cadre législatif clair et protecteur. La liberté de la presse, déjà fragilisée en Hongrie, sort renforcée de cet arrêt qui fera date.
La confidentialité des sources, un droit fondamental des journalistes
La protection des sources confidentielles est un droit essentiel pour les journalistes, leur permettant d’exercer leur mission d’information du public en toute indépendance. Sans cette garantie, de nombreuses affaires d’intérêt général ne pourraient être révélées, par crainte de représailles envers les lanceurs d’alerte et autres informateurs.
La confidentialité des sources journalistiques est l’une des pierres angulaires de la liberté de la presse. L’absence d’une telle protection pourrait dissuader les sources d’aider la presse à informer le public sur des questions d’intérêt général.
Cour européenne des droits de l’homme
Ce droit est d’ailleurs reconnu par de nombreux textes internationaux, comme la Déclaration universelle des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. En Europe, la Cour européenne des droits de l’homme a développé une jurisprudence fournie sur le sujet, rappelant régulièrement aux États leurs obligations en la matière.
Un signal fort envoyé à la Hongrie et aux autres pays européens
La condamnation de la Hongrie par la CEDH constitue un avertissement clair pour tous les pays tentés de museler la presse en s’attaquant aux sources des journalistes. Elle rappelle que même la lutte contre la criminalité ne peut justifier des atteintes disproportionnées à la liberté d’expression et au droit à l’information.
Dans un contexte où la Hongrie fait régulièrement l’objet de critiques pour ses dérives autoritaires et ses atteintes à l’État de droit, cet arrêt vient s’ajouter à la longue liste des condamnations prononcées par les instances européennes. Il est à espérer qu’il incitera le gouvernement hongrois à revoir sa copie en matière de respect des libertés fondamentales.
Plus largement, cette décision de la CEDH envoie un message fort à tous les États membres du Conseil de l’Europe : la surveillance des journalistes et de leurs sources doit rester l’exception et être strictement encadrée. Toute atteinte à ce principe sacré de la liberté de la presse s’expose à des sanctions, au nom de la défense des valeurs démocratiques.