Après une envolée sans précédent depuis deux ans, la Banque Centrale Européenne a pris tout le monde de court en annonçant ce jeudi une baisse de ses taux directeurs de 0,25 point. Une première depuis septembre 2019 qui sonne comme un début de desserrement monétaire, mais qui soulève de nombreuses questions. Entre inflation qui repart et pression salariale, la BCE sera-t-elle contrainte de patienter avant une nouvelle baisse ? Décryptage.
Une inflation divisée par quatre mais tenace
Rappelons que l’inflation en zone euro a atteint un sommet à 10,6% en octobre 2022, plombée par la flambée des prix de l’énergie suite à la guerre en Ukraine et les perturbations post-Covid. Depuis, elle a été divisée par plus de quatre, revenant à 2,6% en mai après un bref passage à 2,4% en avril et mars. Mais pour la BCE, le compte n’y est pas encore :
La BCE veut que la hausse des prix atteigne son objectif de 2% d’ici 2025. Elle est donc attentive aux éventuels effets de second tour des augmentations de salaires.
– Franck Dixmier, Allianz GI
En effet, les accords salariaux signés au premier trimestre faisaient état d’une hausse de 4,7% sur un an dans la zone euro. Une accélération qui, si elle se répercute sur les prix de vente, pourrait alimenter l’inflation. À moins que les entreprises n’acceptent de réduire leurs marges.
Un débat animé au sein de la BCE
Face à ces paramètres complexes, le débat promet d’être animé lors des prochaines réunions de la BCE entre les “colombes”, partisans d’un cap monétaire souple, et les “faucons” adeptes de l’orthodoxie. Certains, comme le président de la Bundesbank Joachim Nagel, ont déjà prévenu qu’une deuxième baisse en juillet n’était pas acquise :
Nous ne sommes pas sur pilote automatique.
– Joachim Nagel, Président de la Bundesbank
D’autres, comme le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau, plaident pour “un maximum d’optionnalité”, souhaitant que la BCE garde sa “liberté sur le timing et le rythme” des ajustements.
Les paramètres clés à surveiller
Pour alimenter le débat, la BCE disposera d’un nouveau jeu de projections économiques qui seront publiées tous les trimestres, les prochaines étant prévues en septembre et décembre. Entre-temps, elle devra rester vigilante sur plusieurs fronts :
- Le relâchement de la pression sur les prix dans les services, où les salaires pèsent lourd
- L’évolution des coûts comme ceux du fret maritime, influencés par les tensions géopolitiques
- Les éventuels accords salariaux et leur impact sur les marges des entreprises
Au final, si cette première baisse des taux est une bouffée d’air pour l’économie européenne, elle s’accompagne aussi de nombreuses incertitudes sur la suite. La BCE devra plus que jamais jouer serré, entre relâchement progressif de sa politique et vigilance anti-inflation. Un exercice d’équilibriste périlleux.