Un bras de fer juridique oppose actuellement la plateforme de marchés de prédiction Kalshi à la Commodity Futures Trading Commission (CFTC), le régulateur américain des produits dérivés. L’enjeu : déterminer qui a l’autorité pour autoriser ou interdire les paris sur les résultats électoraux aux États-Unis. Une bataille complexe aux implications majeures pour l’avenir de ces plateformes innovantes mais controversées.
La CFTC Tente de Bloquer les Marchés Électoraux de Kalshi
En septembre dernier, la CFTC a cherché à empêcher Kalshi de proposer des contrats permettant de parier sur le parti qui contrôlerait le Congrès après les élections de mi-mandat de novembre. Selon le régulateur, ces marchés relèveraient des “jeux d’argent” et d'”activités illégales selon les lois étatiques”, les rendant “contraires à l’intérêt public”.
Kalshi a immédiatement contre-attaqué en poursuivant la CFTC devant la justice, arguant que l’agence avait outrepassé ses pouvoirs légaux et violé la loi sur les procédures administratives. Pour la plateforme, la CFTC aurait “inventé une définition du jeu d’argent englobant les paris sur les “concours” dont les élections, de façon arbitraire et infondée”.
Un Jugement Initial en Faveur de Kalshi
En première instance, la juge Jia Cobb a donné raison à Kalshi, estimant que l’interprétation de la loi sur les matières premières (CEA) par la CFTC était “trop large”. Elle a ainsi invalidé l’ordonnance bloquant les contrats de Kalshi. La CFTC a fait appel de cette décision et demandé la suspension des marchés électoraux de Kalshi en attendant, ce que la juge Cobb a refusé.
La Cour d’appel fédérale saisie en urgence par la CFTC a, elle aussi dans un arrêt unanime, rejeté la requête du régulateur qui n’apportait “aucun élément concret” montrant en quoi les contrats électoraux nuiraient à l’intérêt général, ouvrant ainsi la voie à leur lancement.
Le Congrès, Seul Habilité à Trancher Selon Kalshi
Déterminée, la CFTC a finalement décidé de faire officiellement appel du jugement initial. Parallèlement, le régulateur cherche à élargir la définition des jeux d’argent pour y inclure les “concours politiques”, ce qui reviendrait de fait à prohiber les paris électoraux.
Dans sa réponse déposée vendredi, Kalshi campe sur ses positions. Pour la start-up, la décision de la CFTC “excède son autorité statutaire”. Selon ses avocats, “le Congrès est libre d’ajouter les élections” à la liste des activités énumérées dans la loi sur les matières premières “et d’autoriser ainsi la CFTC à interdire les marchés de prédiction électorale”. “Mais le Congrès ne l’a pas fait”, martèlent-ils, appelant la Cour à confirmer le premier jugement.
Une Affaire aux Enjeux Cruciaux
Au-delà du différend entre Kalshi et la CFTC, cette affaire soulève la question cruciale de la légalité et de la régulation des marchés de prédiction politique. Apparus dans les années 1990, ceux-ci sont souvent vus comme un moyen de “moissoner la sagesse des foules” pour anticiper l’issue d’élections ou de processus législatifs par exemple.
Les marchés de prédiction apportent des informations utiles que les sondages ou l’analyse des médias ne captent pas forcément
– Un analyste politique souhaitant garder l’anonymat
Pour leurs défenseurs, interdire ces plateformes serait une atteinte à la liberté d’expression et à l’innovation. Ils soulignent les avantages potentiels en termes de transparence et de compréhension des dynamiques politiques.
À l’inverse, les détracteurs pointent les risques de manipulation, d’influence indue sur le processus démocratique, voire de conflits d’intérêts si des élus ou leurs proches parient sur ces marchés. Sans compter les problèmes d’addiction et de surendettement liés aux jeux d’argent en ligne.
Face à ces enjeux, le débat entre régulation et interdiction des marchés électoraux promet d’être vif dans les mois à venir. La réponse de la CFTC aux arguments de Kalshi est attendue début décembre. Au-delà des États-Unis, l’issue de cette bataille juridique sera scrutée de près par tous les acteurs des paris en ligne.